02 mai 2017

Une famille déchirée après une attaque de Boko Haram

Lors de l’attaque effroyable de Boko Haram contre le village de Chinene, Mary Daniel (39 ans) avait perdu de vue sa famille. À ce jour, elle n’a toujours aucune trace de son mari et d’un de leurs enfants. CSI a rencontré cette femme courageuse au camp de réfugiés de Maiduguri.

Mary Daniel avec cinq de ses huit enfants dans le camp de réfugiés CAN de Maiduguri. Elle espère revoir son mari et pouvoir offrir une meilleure vie à ses enfants. (csi)

Le responsable de mission CSI Franco Majok a pu récemment se rendre à Maiduguri pour la première fois. Aller dans cette grande ville du nord-est du Nigéria était jusque-là trop risqué, car Boko Haram y contrôlait à la fois l’aéroport local et les voies d’accès.

Cette milice terroriste islamiste qui répand la terreur surtout dans le nord-est du pays a toujours aspiré au contrôle de Maiduguri ; mais depuis que le gouvernement nigérian y a établi son quartier général militaire à l’été 2015, le mouvement Boko Haram a pu être progressivement repoussé de la ville et la situation s’est stabilisée. L’aéroport est par exemple à nouveau accessible.

Mais la situation reste particulièrement dangereuse pour les chrétiens et pour les musulmans modérés habitant à l’extérieur du cordon de protection militaire situé autour de la ville : ainsi, les villages périphériques sont toujours la proie des attaques de Boko Haram et la seule façon d’échapper aux terroristes est la fuite.

Ils avaient une vie agréable

Franco Majok a rencontré Mary Daniel en février 2017, dans le camp de réfugiés de la Christian Association of Nigeria (CAN) à Maiduguri.

Sa famille a dû fuir Chinene (située à deux heures de route de Maiduguri) quand cette localité a été prise d’assaut par Boko Haram. À ce jour, les accès du village sont toujours contrôlés par les terroristes. Mary dit en soupirant : « Nous avions une vie agréable à Chinene. Je m’occupais des vaches et grâce à notre ponceuse, nous pouvions obtenir un revenu supplémentaire. » Elle ajoute que sa famille était même assez aisée pour se permettre d’envoyer ses enfants à l’école.

Un enfant grièvement blessé dans la fuite

L’été 2014, Chinene est attaqué au milieu d’un après-midi par Boko Haram. Les « milices d’Allah » envahissent le village et ouvrent le feu sans crier gare. Mary décrit ces instants terribles : «Nous étions complètement paniqués ; mes enfants sont partis en courant avec d’autres gens et mon mari a fui le village tout seul. Quant à moi, j’ai attaché mon plus jeune enfant sur mon dos et j’ai pris mes jambes à mon cou. Mais j’ai trébuché et mon fils s’est alors gravement blessé dans la chute. » Mary précise que son enfant est incapable de marcher depuis cet évènement.

Désespérée, elle s’enfuit vers les collines avoisinantes avec son enfant blessé sur le dos. Elle y reste cachée plus d’un mois avec d’autres fugitifs chrétiens. Mary relate : « Nous n’avions pas de nourriture, nous cueillions des baies et des fruits sauvages. » Les conditions terribles forcent finalement Mary et d’autres fugitifs à poursuivre leur périple vers la ville de Madagali, dans l’État d’Adamawa.

Mais la zone où elle passe la nuit avec le groupe n’est pas protégée et elle décide rapidement de repartir pour Maiduguri, où elle peut finalement trouver refuge dans un camp de réfugiés de la Christian Association of Nigeria (CAN), l’organe faîtier des Églises protestantes et catholiques.

Retrouvailles au Cameroun

Depuis le déchirement de sa famille lors de l’attaque de Boko Haram, Mary ne connaît pas de répit ; mais une lueur d’espoir s’allume lorsque d’autres fugitifs du camp lui soufflent que ses enfants doivent se trouver dans le centre de réfugiés ecclésiastique au Cameroun. Sans attendre, elle repart pour le Cameroun. Toujours tiraillée entre la joie et les pleurs, Mary Daniel raconte : « Là-bas, j’ai enfin pu serrer à nouveau six de mes enfants dans les bras, j’en suis très reconnaissante ; mais l’un d’entre eux reste malheureusement introuvable. »

Mary vit donc de nouveau avec sept de ses enfants, dans un camp de réfugiés de la CAN à Maiduguri. Elle est heureuse de se trouver dans un lieu à peu près sûr, bien que la vie n’y soit pas aisée. Pour pouvoir maintenir de justesse sa famille à flot, elle ramasse et vend du bois de feu – ce qui ne suffit toutefois pas pour payer l’école à ses enfants. Bien sûr, elle regrette la présence de son mari. Mais selon des rumeurs, il est possible que ce dernier se trouve dans un autre camp de réfugiés au Cameroun : « Je ne l’ai jamais revu depuis l’attaque. » Comme elle doit s’occuper de ses enfants, elle n’arrive pas à partir à sa recherche. Mais l’espoir n’est pas mort.

Avec l’aide du diocèse catholique de Maiduguri, CSI soutient les chrétiens des villages environnants qui ont dû fuir devant Boko Haram, en particulier par la distribution de colis de nourriture et de médicaments.

Reto Baliarda

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