Un hiver rigoureux en vue

Les crises se succèdent en Syrie, au moment de plonger dans la froideur d’un hiver qui pourrait être l’un des plus difficiles depuis le début du conflit.

L’équipe de l’EPDC (Saint Ephrem Partriarchal Development Committee) de Hassaké, partenaire de CSI, distribue dans le nord-est de la Syrie des vêtements chauds et des couvertures à des personnes déplacées à la suite de l’opération « Source de paix » menée par la Turquie (février 2020). (csi)

« Les gens sont très inquiets à l’approche de l’hiver, » nous confie Georges (nom fictif), un Arménien d’Alep partenaire de CSI depuis 2013. « À moins d’un changement drastique, nous nous attendons cette année à un hiver terrible. »

En effet, toutes les conditions sont réunies pour faire de cet hiver l’un des plus sombres de l’histoire récente de la Syrie. Le pays, déjà profondément touché par le conflit, s’est enfoncé au cours de l’année dans une crise économique et humanitaire sans précédent.

Une descente en enfer

En octobre 2019, la Turquie lançait l’opération « Source de paix » dans le nord du pays, déplaçant près de 180 000 personnes en une vingtaine de jours (voir photo) ; 1 simultanément éclatait au Liban une crise financière et politique dont les ondes de choc se sont répandues dans tout le tissu économique syrien. Cette situation a ensuite été exacerbée par le Covid-19 et les mesures y relatives, mais aussi par l’intensification des sanctions américaines en juin dernier (« loi César ») limitant encore davantage l’accès au marché international de la Syrie, y compris de facto pour l’importation de biens de première nécessité.

Cette combinaison de facteurs a vu la livre syrienne s’effondrer et les prix ont flambé : en octobre 2020, le prix d’un panier alimentaire de base avait augmenté de 244 % par rapport à l’année précédente. Il coûte maintenant plus qu’un salaire pour la plupart des familles. 1

Ainsi, comme nous le rapportent nos partenaires sur place, nombre de familles sont confrontées à des choix cornéliens entre nourriture, médicaments, électricité et autres dépenses essentielles. L’ONU estimait qu’en avril 2020 près de 46 % des Syriens n’avaient pas un accès régulier à suffisamment d’aliments sains et nutritifs. 1 Ce nombre est sans doute encore plus élevé aujourd’hui.

L’impossibilité de se chauffer

« Il peut faire bien froid en Syrie pendant l’hiver, surtout à l’intérieur du pays », raconte Georges. Un froid qui pénètre jusqu’aux os et s’immisce sans difficulté dans des bâtiments souvent mal isolés. « On chauffe généralement au mazout, un combustible que l’on pouvait se procurer facilement avant 2011, grâce notamment aux champs pétrolifères du nord de la Syrie. »

Depuis, la situation a bien changé : « L’imposition de nouvelles sanctions américaines et l’occupation des installations pétrolières par les troupes américaines et leurs alliés kurdes se traduisent pour la population par un approvisionnement en pétrole quasi inexistant et une flambée des prix. »

Même les institutions scolaires sont frappées de plein fouet par cette situation : « Comme les écoles élémentaires sont dans l’incapacité de se procurer du mazout en suffisance, je crains que les parents n’envoient plus leurs enfants à l’école pendant l’hiver », ajoute avec inquiétude Georges qui s’occupe d’une partie des programmes de CSI pour les enfants.

Un engagement sans relâche

Avec nos partenaires locaux, nous redoublons nos efforts pour apporter une aide humanitaire efficace sur place tout au long de l’année et en particulier cet hiver.

Cependant une solution durable passe aussi par une prise de conscience des conséquences dévastatrices que les sanctions ont sur la population civile, exacerbant une situation déjà bien fragile. C’est pour cela, répondant aux appels de nos partenaires, que CSI s’engage également sur le plan politique pour une réforme des sanctions, tant au niveau national qu’international.

Sœur Marie-Rose, partenaire CSI de longue date, nous racontait par téléphone dans son charmant français : « Au début de la guerre, il y avait la peur, il y avait le déplacement. Maintenant, il y a la pauvreté. C’est une autre guerre que nous sommes en train de vivre. » Une guerre peut-être moins visible, mais qui demande tout autant notre solidarité.

Hélène Rey, responsable CSI pour la Syrie

1 Statistiques de l’ONU

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