Rescapé d’un attentat en quête d’avenir

Le jeune père de famille Rami Kerio Hanna n’a pas été épargné par la souffrance : en 2009, il est blessé lors de l’explosion d’une bombe ; cinq ans plus tard, il est chassé de sa ville par l’EI. Au Kurdistan, il survit grâce à quelques travaux temporaires. Mais quel avenir pour sa famille ?

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L’après-midi du 29 juin 2009, comme à l’accoutumée, Rami surveille un parking situé devant l’hôpital de Qaraqosh. Il remarque le comportement anormal de deux passagers d’un véhicule et informe la police. Des policiers viennent encercler la voiture. Une explosion retentit et les sept policiers ainsi qu’un enfant sont tués. Rami s’en tire avec des blessures graves à la tête.

John Eibner et Gunnar Wiebalck se trouvaient en Irak au moment de l’attentat et ils ont pu visiter Rami à l’hôpital. Ce fut la première – mais non la dernière – rencontre avec un homme courageux qui aime écrire des pièces de théâtre. À peine deux ans plus tard, le 15 mai 2011, nous organisons une nouvelle rencontre avec Rami, dans sa maison à Qaraqosh. Le jeune père de famille s’est bien remis de l’attentat.

Le 23 février 2016, John Eibner est à nouveau en Irak et il coordonne une action de distribution de colis humanitaires dans un camp de réfugiés des environs de la ville kurde d’Erbil. Là, le responsable de mission CSI croise un jeune homme qu’il reconnaît immédiatement : Rami Kerio Hanna. Les retrouvailles sont cordiales, quoique Rami eût préféré pouvoir accueillir John Eibner dans sa maison. Malheureusement, il a dû fuir en août 2014, lors de la prise de Qaraqosh par l’État islamique (EI). 

Une pièce de théâtre rappelle les horreurs vécues

Rami se porte aussi bien que possible. Mais il n’est plus capable d’effectuer des travaux physiques : « Les éclats de bombe logés dans ma tête me causent souvent de fortes migraines, mais je peux faire des travaux de bureau spécifiques, comme de la comptabilité. D’autre part, j’écris et mets en scène des pièces de théâtre pour les jeunes. Une de ces pièces évoque notre fuite de Qaraqosh. Elle montre notre capacité de survie au travers des circonstances les plus pénibles. » Déclaration faite avec une pointe d’humour noir. 

Des soucis d’argent

Après la fuite de chez eux, la famille de Rami est arrivée à Ankawa, un faubourg chrétien d’Erbil. « Nous étions 64 réfugiés à avoir trouvé refuge dans la maison d’une personne de ma parenté ! »

Après quelques semaines, Rami a trouvé un petit appartement pour sa famille, mais il est rapidement devenu trop cher. « J’avais un travail temporaire dans une entreprise de télécommunications et j’ai même vendu la voiture avec laquelle nous avions fui Qaraqosh. Malgré tout, avec le temps, nous ne pouvions plus payer notre loyer. »

Quand les réserves d’argent ont été épuisées, la famille a déménagé à Ozal, une ville-satellite inachevée située dans la banlieue d’Erbil. Rami nous décrit la situation : « Nous avons emménagé dans une petite maison avec trois autres familles. Au total, nous sommes 14 personnes à nous partager la cuisine et la salle de bains. Ma famille dort en bas, au salon. » Prochainement, une nouvelle famille va rejoindre tout ce petit monde, ce qui allégera quelque peu la charge financière de chacun.

Rami est sans travail fixe, mais il a eu un emploi temporaire auprès de l’ONG Jesuit Relief Service durant quelque temps. Cela a permis à des jeunes de monter quelques-unes de ses pièces de théâtre, ce qui les a tous aidés à expérimenter un peu de normalité dans leur vie perturbée.

« Environnés de monstres »

Quand on l’interroge sur son avenir, Rami déclare dans un long soupir : « J’aimerais évidemment retourner vivre à Qaraqosh. » Mais sera-ce possible ? Souvent, ce courageux père de famille pense à émigrer de son pays. C’est aussi parce qu’il réalise qu’il n’existe d’avenir véritable en Irak ni pour lui ni pour ses enfants.

Même si l’EI devait être chassé de Qaraqosh et de toute la plaine de Ninive, permettant ainsi un retour de la famille dans sa patrie, Rami reste pessimiste : « Sur ce coin de la planète, nous sommes environnés de monstres ! » Puis il déclare ouvertement : « Après l’invasion de l’EI, des amis musulmans nous ont appelés pour nous dire que d’autres voisins musulmans avaient pillé notre maison. » Il se pourrait néanmoins que la plaine de Ninive soit un jour libérée du joug actuel. « Mais, poursuit Rami, sans garanties de sécurité à long terme de la part de la Communauté internationale, il serait irresponsable d’y retourner. »

Un avenir meilleur pour sa famille

Même dans le territoire relativement sûr du Kurdistan irakien, il n’y a guère de perspectives d’avenir : il est très difficile d’y trouver du travail, surtout en tant que chrétien non kurde parlant une autre langue. « Alors que je suis diplômé universitaire, je ne trouve pas de travail fixe me permettant de nourrir ma famille. Je voudrais lui offrir un meilleur avenir », nous dit-il avec un regard soucieux.

« Aidez-nous ! »

Rami est vraiment très reconnaissant à CSI pour le soutien reçu. « Cela nous a permis de survivre à la catastrophe. » Il porte toutefois un fardeau pesant et il espère que les chrétiens et les Églises en Europe et en Amérique vont élever leurs voix en leur faveur : « Nous avons besoin de véritables garanties de sécurité pour continuer à vivre dans la plaine de Ninive. Et si cela n’est pas possible, aidez-nous s’il vous plaît à organiser l’exode des chrétiens irakiens. Il faut prendre l’une ou l’autre voie pour assurer la survie de notre communauté. » Puis, adressant à John Eibner sa reconnaissance, il lui déclare : « C’est la troisième fois que je vous vois. Chaque rencontre avec vous me rend heureux. »

CSI va continuer à soutenir les Irakiens qui ne peuvent pas s’enfuir.

Reto Baliarda

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