23 septembre 2017

Une pression accrue pèse sur les minorités religieuses

La situation des minorités religieuses se détériore à vue d’œil dans de nombreuses régions d’Inde. La volonté politique qui vise à associer le patriotisme à la religion ainsi que le rejet récurrent des minorités religieuses causent de nombreux abus. CSI s’engage en faveur des victimes.

Les minorités religieuses s’engagent pour leurs droits et pour l’unité de l’Inde. (reut)

À l’occasion de la fête de l’indépendance indienne du mois d’août, le Bharatiya Janata Party (BJP) s’est présenté à la face du monde comme un parti d’avant-garde en matière de démocratie et un garant de la liberté de religion en Inde. Mais autant le programme du parti que les options politiques concrètes instaurent au contraire une situation toujours plus difficile pour les minorités religieuses. Depuis que le BJP est au pouvoir au niveau national, CSI et d’autres observateurs enregistrent une croissance significative des attaques, des lynchages, des meurtres et de diverses formes de discriminations.

Une nation – une religion ?

Cela est une conséquence directe du modèle de société nationaliste-hindoue prôné et mis en place par le BJP, selon lequel l’appartenance à la nation indienne va de pair avec la religion hindoue.

Le BJP a pour objectif de promouvoir l’unité nationale en recourant notamment à l’unité religieuse, ce qui se fait évidemment au détriment des minorités religieuses. De la sorte, la méfiance que la société indienne éprouve à l’égard des minorités religieuses est habilement exploitée et instrumentalisée : en effet, pour de nombreuses personnes, les chrétiens représentent toujours un symbole de l’exploitation occidentale et de l’impérialisme culturel, les églises étant vues comme l’expression d’une domination étrangère.

Le soutien inquiétant de la population au BJP a été confirmé par les urnes lors de l’élection de Yogi Adityanath en mars 2017 au poste de ministre en chef de l’État fédéral de l’Uttar Pradesh, l’État indien le plus vaste et le plus influent au niveau politique. Cet extrémiste hindou est partisan inconditionnel de l’Hindu Rashtra, c’est-à-dire d’une Inde à 100 % hindoue.

En juillet 2017, un autre nationaliste, Ram Kovind a gagné haut la main les élections présidentielles indiennes. Cette élection a également eu des conséquences néfastes, car le nouveau président appartient à la catégorie la plus basse du système de castes hindou, les dalits (« intouchables »). Or comme il est parvenu à faire carrière dans les milieux nationalistes hindous, l’opinion tient cela pour une preuve du fait que le système des castes n’est plus un obstacle au développement social. Ainsi donc, la grande problématique des « intouchables », auxquels appartiennent de nombreux chrétiens et bouddhistes, est bottée en touche.

Étant donné le succès politique qu’offre un programme visant à marginaliser les minorités religieuses, il n’est pas étonnant que beaucoup de mouvements extrémistes se sentent encouragés à inciter les citoyens à user de violence contre les membres des minorités religieuses. Malheureusement, ces fauteurs de trouble n’hésitent pas à passer des paroles aux actes, sachant que la situation actuelle ne les expose guère à des poursuites pénales sérieuses. La police laisse souvent faire ou, pire encore, soutient les extrémistes. Après une attaque, on voit même régulièrement la police agir contre les victimes, en les arrêtant pour les soumettre à des interrogatoires brutaux ou déposer une plainte contre eux.

Cette année, le nombre des attaques recensées contre des minorités religieuses a déjà doublé par rapport aux chiffres de l’année passée 2016 – sans parler de tous les événements qui ne figurent pas dans les statistiques. Concernant les chrétiens, on recense environ 68 cas par mois ; pour les agressions contre les musulmans, le chiffre est encore plus élevé. Notre partenaire l’avocate MArora déclare : « Ce qui est très inquiétant, c’est le fait que la violence physique a de plus en plus tendance à déboucher sur des meurtres. Cela est vraiment effrayant et menaçant. » En Inde règne un climat délétère de peur. Malheureusement, les craintes se transforment trop souvent en une terrible réalité.

Le travail de Me Arora consiste à parer au manque général de protection. Aidée d’une équipe de juristes et d’assistants sociaux, elle offre une prise en charge large et variée aux victimes de la violence religieuse et de la discrimination. Ce programme d’assistance est construit autour d’une ligne téléphonique d’urgence valable dans tout le pays qui fournit aux victimes ou à leurs proches une première adresse où les concernés pourront poser leurs questions et recevoir les conseils les plus urgents. Mais il existe d’autres manières pour trouver Me Arora et son équipe, grâce au fait que son travail a permis la mise en place d’un réseau actif dans tout le pays, doté de collaborateurs professionnels et d’aides bénévoles.

Me Arora sort deux pasteurs de prison !

Un exemple concret nous a récemment encouragés : l’acquittement des deux pasteurs Sanjay et Abul. Voici juste deux ans, des extrémistes ont incité une foule à les agresser. Au poste de police, ils ont été interrogés, à nouveau frappés, puis mis en prison durant deux mois dans un cachot offrant des conditions de détention exécrables. Désormais libres, ils sont souvent offensés et menacés (parfois même menacés de mort), de même que leurs familles. L’an dernier, ils ont même été accusés de blasphème ! Durant tout ce temps, des juristes et des assistants sociaux se sont tenus aux côtés des familles. Et grâce à leur engagement infatigable, notamment au tribunal, une condamnation et une longue peine de prison ont pu être évitées. Après de nombreux mois d’angoisses, les deux pasteurs ont finalement été innocentés en juillet 2017. Le soulagement et la joie dans les deux familles ont été immenses ! Le fait qu’ils réalisent que de nombreuses personnes luttaient à leurs côtés pour leur sécurité et leur liberté les a grandement encouragés.

Une équipe toujours à pied d’œuvre

La dégradation de la situation générale entraîne un regain de travail pour l’équipe de Me Arora. Mais elle assume avec beaucoup de courage et d’efficacité les défis qui se multiplient : « Nous sommes très reconnaissants pour le soutien financier de CSI et notre collaboration ; ceci nous a permis de développer et de renforcer notre équipe d’avocats et d’assistants sociaux. Entre-temps, nous avons pu ouvrir un bureau dans huit États fédéraux, ce qui nous permet d’être plus réactifs et plus efficaces. »

Le numéro téléphonique d’urgence, en fonction depuis 2015, est un outil important auquel ont fait recours des milliers de personnes. Me Arora explique : « Dès que nous avons un appel qui nécessite des investigations poussées, nous pouvons activer les contacts connectés au réseau local d’avocats et d’assistants sociaux. Aujourd’hui, nous pouvons assurer un suivi des victimes dans tout le pays. Nous sommes très reconnaissants d’avoir pu, au cours des quatre dernières années, mettre en place une équipe, un réseau et un numéro d’appel d’urgence. Ainsi, nous sommes à même d’aider beaucoup plus de personnes qu’auparavant. De plus, nous pouvons enregistrer beaucoup plus de cas d’abus, les classifier et les dénoncer. Le nombre de cas non répertoriés diminue, et les délits sont portés à la connaissance du public. » Notre partenaire Me Arora laisse transparaître son enthousiasme, même si les nombreux cas tristes auxquels elle est régulièrement confrontée ne la laissent pas indifférente : « J’ai presque chaque fois le cœur brisé lorsque j’entends les histoires des victimes. Mais je pense aussi à tout le soutien juridique et psychologique que nous pouvons leur apporter ! Il vaut la peine de poursuivre coûte que coûte et de ne pas abandonner. »

Benjamin Doberstein

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