Menacés de mort, ils quittent leur pays

Shahbaz Noshad vivait à Lahore. Persécuté par des islamistes parce qu’il demandait justice pour sa sœur, il a dû s’enfuir avec sa famille. Il a trouvé refuge en Thaïlande où il lutte pour survivre.

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La lune brille sur le quartier chrétien de Kasur, une ville pakistanaise située au sud de Lahore. Devant la maison de la famille de Shahbaz, des hommes barbus tambourinent contre la porte métallique et demandent à entrer. On devine que leurs intentions ne sont pas pacifiques. Shahbaz (50 ans), sa femme Esther (41 ans), leurs enfants Joshua (16 ans), Nasreen (14 ans) et Elija (8 ans), dormaient à l’étage. Ils sont arrachés à leur sommeil et se dressent dans leur lit, l’oreille aux aguets.

Fuite par les toits

Des injures terrifiantes parviennent jusqu’à eux. Shahbaz sait que la vie de sa famille est en jeu. « Habillez-vous, ordonne-t-il. Nous partons immédiatement ! » Dans la rue, les hommes continuent à frapper et à crier de plus belle : « C’est un blasphémateur ! Mort à lui et à sa famille ! Ne les laissez pas s’échapper ! » Quand ils parviennent enfin à forcer l’entrée, la maison est vide. Au dernier moment, les chrétiens ont pu s’enfuir par les toits, à l’aide d’une échelle. C’était le 5 octobre 2012.

Même la police craint les terroristes 

Shahbaz était dans le collimateur du mouvement terroriste Lashkar-e-Taiba (LeT, « l’armée des justes »). Ce mouvement islamiste fondé en 1990 est tenu pour responsable du massacre de Bombay (2008). Au Pakistan, la police elle-même en a peur.

Ce groupe avait émis une fatwa (avis de droit islamique) qui déclarait Shahbaz hors-la-loi, car il avait osé demander aux autorités que toute la lumière soit faite concernant des actes de violence commis contre sa sœur Anila et son enfant. En effet, des terroristes du LeT avaient kidnappé cette enseignante et son fils Yousaf. Anila avait survécu à plusieurs viols, mais son fils avait perdu la vie.

Le décès de Yousaf a été constaté le 28 février 2012 par l’hôpital de Kasur. Ses parents et Shahbaz ont supplié le médecin d’autopsier la dépouille de l’enfant afin de relever des traces de mort violente. À ce moment, ils ont vu plusieurs hommes barbus vêtus d’habits traditionnels quitter la salle d’attente. Le médecin a ensuite refusé d’examiner la dépouille et de signer un document attestant la cause du décès.

Une foule en colère

Comble de l’humiliation, la dépouille a ensuite été apportée au poste de police. Shahbaz a demandé à son pasteur et à de jeunes membres du chœur de l’Église de l’accompagner pour aller réclamer le corps de l’enfant. Pendant qu’ils négociaient encore avec la police, une foule d’hommes en colère s’est réunie dans la cour. On trouvait quelques-uns des hommes aperçus à l’hôpital. Ils se sont emparés de Shahbaz et l’ont frappé impitoyablement en criant : « Les chrétiens sont des chiens, courte vie aux chrétiens ! »

La fuite pour seule solution

Le pasteur Munir savait que la famille de Shahbaz n’avait qu’une seule chance d’échapper aux griffes des islamistes : fuir à l’étranger. Des membres de l’Église ont réussi à cacher les malheureux et à réunir suffisamment d’argent pour qu’ils puissent s’enfuir à Bangkok, en Thaïlande. Shahbaz, Esther et leurs enfants y vivent depuis le 16 février 2013 dans une pièce minuscule qu’ils partagent encore avec Elena, la maman de Shahbaz, âgée de 67 ans.

Il a fallu deux ans au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à Bangkok pour statuer sur la requête de cette famille chrétienne. Le 9 février 2015, elle a rendu une décision atterrante : le statut de réfugié leur est refusé, leurs demandes sont rejetées et ils doivent tous rentrer au Pakistan. Le HCR a sèchement motivé sa décision incompréhensible : « Déclarations contradictoires lors des interrogatoires menés par le HCR. » Shahbaz aurait dit qu’un médecin avait refusé de confirmer la cause du décès de son neveu à cause des pressions exercées par les assassins du LeT, avant de se rétracter en affirmant que l’autopsie n’avait pas été faite parce que le rapport de police faisait défaut.

Munir, le pasteur de l’Église de Shahbaz, a même écrit au HCR en Thaïlande pour les supplier d’accorder l’asile à la famille, mais en vain. Il a pourtant insisté sur le fait que les extrémistes attendaient le retour de la famille au Pakistan pour les éliminer.

Le 15 juillet 2015, la police de Bangkok a arrêté Shahbaz, car son autorisation de séjour en Thaïlande était échue depuis le mois de mars. CSI a avancé une caution d’environ 1300 euros pour permettre à ce père de famille qui souffre de problèmes cardiaques de retourner auprès de sa famille, dans ce minuscule appartement d’une seule pièce. Par ailleurs, Shahbaz a reçu une sorte de passeport de l’IDC (Immigration Detention Center) valable un an. Il doit se présenter toutes les deux semaines à l’IDC, mais le reste du temps, il peut se déplacer relativement librement. Les autres membres de la famille ne se risquent plus à quitter leur appartement.

Le bras de fer que ces chrétiens ont entamé pour avoir le droit à la vie n’est donc pas terminé. Leur sort n’est qu’un exemple parmi tant d’autres : des milliers de chrétiens pakistanais réfugiés à Bangkok attendent d’être reconnus pour échapper à une mort certaine dans leur pays.

Gunnar Wiebalck, responsable de mission au Pakistan


Youhanabad : des suspects sont arrêtés

En lien avec les attentats de Lahore (rapportés à plusieurs reprises par CSI), la police pakistanaise a arrêté six suspects. L’un d’entre eux avait déjà été arrêté en avril. Les attentats du 15 mars 2015 contre deux églises avaient fait 15 morts et plus de 80 blessés. fi

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