25 janvier 2016

L’État du Bangsamoro : une patrie pour les musulmans… et les chrétiens ?

Selon un accord passé entre le gouvernement philippin et le mouvement de guérilla MILF (Front Moro islamique de libération), l’État islamique du Bangsamoro, largement autonome, doit être fondé cette année. Les chrétiens sont inquiets.

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La population de Mindanao, la deuxième plus grande île des Philippines, est majoritairement musulmane. C’est sur une partie de ce territoire, dont la surface fait deux fois la Suisse, que l’État du Bangsamoro doit naître. Conformément à la constitution de ce nouvel État islamique (Bangsamoro Basic Law – BBL), la charia (voir encadré) doit y être appliquée. Le versement de subsides au Bangsamoro par le gouvernement central des Philippines est également prévu.

En contrepartie, le gouvernement exige que toutes les armes ayant servi pendant la guerre civile entre le gouvernement et les rebelles islamistes ou qui sont stockées dans des dépôts soient remises au gouvernement. Cette guerre a fait au moins 120 000 morts.

Un accord peu clair…

Mais le nouvel accord est dépourvu d’indications précises sur l’utilisation des subsides versés chaque année par le gouvernement philippin (correspondant à 168 millions de francs). Cet argent pourrait donc bien servir à soutenir la mise en place d’un système à l’avantage des musulmans et au détriment de toutes les minorités, par exemple en ce qui concerne l’enseignement religieux ou la construction et la rénovation des lieux de culte. Dans le pire des cas, il pourrait même servir à acheter des armes ! À cela s’ajoute que jusqu’à présent, seule une quantité négligeable des armes stockées par le MILF ont effectivement été remises au gouvernement, alors que cette exigence est clairement stipulée par l’accord signé entre les deux parties.

… freiné par les islamistes intégristes

Des groupements plus fondamentalistes que le MILF existent. Or le signataire de l’accord ne s’exprime qu’en son nom propre. Ainsi, les Combattants islamiques pour la libération du Bangsamoro (BIFF) et le Groupement Abu Sayyaf, actif depuis les années 1990, refusent de se plier aux exigences du gouvernement. Ces deux mouvements entretiennent des relations avec l’État islamique (EI) et Al-Qaïda. Ils exigent la création d’un État du Bangsamoro totalement indépendant des Philippines. 

Le recours à la violence de ces groupes radicaux pourrait clairement faire capoter l’accord, conclu jusqu’à présent uniquement avec le MILF. Cette possibilité est loin d’être infondée, si l’on considère qu’en 1996 déjà, l’accord passé entre le gouvernement et le MNLF, plutôt modéré, avait été saboté par le MILF plus intégriste.

Une maire s’oppose à l’islamisation

Les incertitudes liées à la mise en place de la constitution du Bangsamoro soulèvent de nombreuses controverses entre les politiciens et les responsables des Églises, tout comme au sein de la population des Philippines.

Du côté des politiciens, on peut relever le refus clair de Maria Isabelle Climaco, maire de la
sixième ville des Philippines sur l’île de Mindanao, dont la population est majoritairement chrétienne : « Zamboanga ne fera jamais partie du Bangsamoro ! »

En outre, trois archevêques de Mindanao ont déposé une pétition dans laquelle ils avertissent que l’État du Bangsamoro pourrait causer la « destruction des Philippines ».

Il faut tenir compte des craintes

Ce qui, au premier regard, ressemble à la conclusion tellement espérée d’un confit qui dure depuis plusieurs dizaines d’années pourrait prendre des allures de cheval de Troie. Ainsi, la colombe de la paix pourrait bien s’écraser en plein vol contre la montagne de l’islamisme.

Les deux parties de l’accord feraient bien de se pencher avec le sérieux requis sur les points sensibles avant la ratification prévue pour cette année encore. Ils pourraient ainsi enfin calmer les craintes d’un grand nombre de chrétiens et des ressortissants d’autres minorités de Mindanao et des alentours.

Max-Peter Stüssi

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