L’EI empêche un mariage et le cauchemar commence

Lana (45 ans) et sa famille n’ont pas pu fuir à temps lorsque l’État islamique (EI) a envahi la plaine de Ninive en été 2014. Ils ont survécu durant 45 jours dans la région contrôlée par l’EI avant de pouvoir fuir au Kurdistan. Le responsable de mission John Eibner a rencontré Lana lors de son dernier voyage en Irak.

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Bien avant l’invasion de l’EI, Lana* savait ce qu’était la terreur et la précarité. En 2007, alors que les attentats contre les chrétiens s’intensifiaient à Mossoul, sa famille s’est enfuie de sa patrie pour se réfugier à Qaraqosh, dans la maison du frère de Lana. Qaraqosh était alors la plus grande ville chrétienne d’Irak. Les sept années qui ont suivi ont été relativement calmes pour cette famille qui a même trouvé une maison dans la petite ville voisine de Bartella. 

L’horreur à l’aube

Le 8 août 2014 aurait dû être un jour de réjouissance : le fils aîné de Lana devait se marier. La veille, cette famille dynamique était affairée par les préparatifs de la fête. Fatigué, mais content, chacun s’est endormi sur la terrasse du toit.

Le lendemain matin, le réveil a été d’autant plus violent, lorsque la famille a dû constater avec effroi que des colonnes de voitures pénétraient dans Bartella. L’EI était en marche. « Nous avons essayé de nous enfuir et étions en train de quitter la maison lorsqu’ils ont dirigé leurs fusils sur nous », se souvient Lana. Ce moment est probablement le plus terrible de sa vie. Les terroristes de l’EI, qui venaient selon elle du Pakistan et d’Afghanistan, ont forcé la famille à retourner dans la maison. « Ils ont menacé de nous abattre si nous tentions de fuir. »

Par peur, la famille n’osait pas regarder par la fenêtre. Par le trou de la serrure, ils ont vu le pillage en règle des maisons abandonnées et des magasins. Après trois jours, les djihadistes ont amené la famille terrorisée jusqu’à un point de contrôle. Les femmes ont été séparées de leurs maris et de cinq de leurs enfants.

Une discussion menaçante

Lana a six enfants. Elle a été emmenée dans une maison avec une de ses amies. La discussion entre les deux djihadistes présents les faisait frémir. « L’un des deux a demandé à l’autre de choisir l’une de nous deux comme femme. Celui-ci a dit que j’étais trop opulente. L’autre a conclu simplement : tu dois prendre l’autre. » Ensuite, il s’est renseigné concernant le mari et les enfants de Lana et lui a dit d’un ton moqueur que ses six enfants seraient leurs esclaves et leur nettoieraient les chaussures. Finalement, Lana a été relâchée avec son fils cadet. Mais il a fallu attendre que son mari, ses autres enfants et même son amie soient libérés pour qu’elle soit enfin soulagée.

Se « convertir » pour survivre

Trois semaines plus tard, un terroriste de l’EI a emmené la famille de Lana devant un tribunal de la charia à Mossoul, la deuxième ville d’Irak, qui avait été conquise en juin 2014 par l’EI. Là, ils ont dû réciter la confession de foi islamique. En contrepartie, la famille a obtenu de nouvelles cartes d’identité.

Des milices de l’EI ont ensuite ramené la famille « convertie » à Bartella. Mais Lana les a priés de les emmener à nouveau à Mossoul parce que dans son entourage il y avait un garçon handicapé qui pourrait mieux être soigné dans une grande ville. La milice terroriste s’est laissé convaincre.

À Mossoul, la famille chrétienne a immédiatement préparé sa fuite : Lana a téléphoné à son frère qui a pu lui arranger le contact avec un passeur du Kurdistan. Cet homme a permis à la famille de Lana de se rendre chez une famille qui lui était acquise. « Arrivés là, nous avons téléphoné au passeur. Il a dit que nous devions quitter la ville à 6 heures du matin et que les femmes devaient se déguiser en musulmanes. » Son mari et ses enfants adultes avaient une barbe qui était aussi une sorte de laissez-passer.

Le lendemain matin, après 45 jours de captivité dans la zone contrôlée par l’EI, la famille d’accueil a conduit en voiture Lana et dix membres de sa famille hors de Mossoul. Mais les dangers n’étaient pas terminés : « Partout sur la route, il y avait des pièges et des mines que nous devions éviter », raconte Lana. Mais avant tout, ils devaient passer 18 points de contrôle de l’EI ! « Heureusement que nos chauffeurs savaient exactement ce qu’il fallait dire aux points de contrôles. Ils prétendaient que nous nous rendions à Kirkuk (une ville du Kurdistan) pour une inhumation. Ainsi, on nous laissait continuer notre route », se souvient-elle.

Les onze fugitifs ont fini par passer le dernier poste de l’EI. Les femmes ont changé de vêtement. Les passeurs ont également changé. Et les nouveaux chauffeurs ont conduit la famille jusqu’à la frontière du Kurdistan. Le premier passeur avait bien rempli sa tâche et les gardes-frontière étaient prévenus. Lana et sa famille ont pu entrer au Kurdistan.

Aujourd’hui, cette famille nombreuse vit à Ankawa, un quartier chrétien d’Erbil, la « capitale » kurde. Mais même au Kurdistan, la situation est précaire pour elle. « Les forces de sécurité kurdes nous ont examinés à plusieurs reprises sous toutes les coutures. C’est très fatigant », soupire Lana qui semble épuisée, mais qui doit continuer à lutter pour sa famille ; en effet, son mari ne trouve pas de travail. Mais sa reconnaissance n’a pas de bornes : sa famille a réussi à rester ensemble et à fuir la terreur de l’EI.

Reto Baliarda

* Nom fictif


Colis d’hygiène pour 425 familles réfugiées

Le responsable de mission CSI pour le Moyen-Orient John Eibner a visité l’Irak du 21 au 26 février 2016. Pendant son séjour, CSI a distribué des colis d’hygiènes à 425 familles de réfugiés à Ankawa, un faubourg d’Erbil. Elles se sont enfuies de la plaine de Ninive à cause de la terreur de l’EI.
C’est là-bas que John Eibner a rencontré Lana et sa famille.

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