L’Égypte lutte pour l’égalité des sexes et des religions – Dr Mariz Tadros à Zurich

Cinq ans après le Printemps arabe, la scientifique égyptienne Dr Mariz Tadros a présenté la problématique du pluralisme social dans son pays. La démocratie ne dépend pas seulement d’une victoire aux élections, mais aussi de l’égalité de traitement pour tous, notamment les femmes et les membres des minorités religieuses. Pour la situation actuelle en Syrie, il faut tirer des leçons de l’Égypte. Mme Tadros avait été invitée à Zurich par CSI.

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« Si aujourd’hui nous considérons le Moyen-Orient, nous ne pensons pas à la résistance », a déclaré Dr Mariz Tadros dans son exposé en juin 2016 à Zurich. « Cependant, les gens se défendent assidument contre le mépris porté à leurs droits. Ils ont besoin de solidarité ! » 

La politique au sujet de la brutalité infligée aux femmes 

Dans son exposé, Mariz Tadros a démontré le fait qu’en Égypte, des personnes ordinaires se dressent majoritairement contre deux injustices : d’une part, contre l’oppression religieuse envers les Coptes chrétiens, les bahaïs, les chiites et d’autres qui sont « agonis d’injures, menacés et terrorisés par des foules dans leurs quartiers » ; d’autre part, contre une oppression sexo-spécifique « menée sous  la forme de combats politiques » en humiliant   des femmes et en faisant preuve de sauvagerie envers elles. personnes. Mme Tadros a appelé la communauté internationale à discerner également la lutte des personnes ordinaires, non seulement contre les actes des islamistes et des militaires, mais  contre l’injustice sociale.   

Comme exemples  d’oppression, Mme Tadros a évoqué deux femmes égyptiennes qui ont été humiliées publiquement et mises à l’index ces dernières années : en décembre 2011, les forces de l’ordre ont arraché les vêtements d’une femme voilée qui manifestait pour la démocratie sur la place Tahrir au Caire, et l’ont rouée de coups. En mai 2016, Soad Thabet, une chrétienne copte âgée, a été déshabillée et traînée à travers les rues par une foule déchaînée. Or ces deux attaques ont donné lieu à de fortes réactions en faveur des femmes et des Coptes. Dans le cas de Soad Thabet notamment, « un nombre inhabituel de musulmans » s’est joint aux protestataires pour exiger que justice soit faite.

Les Frères musulmans n’offrent pas une solution démocratique

Le gouvernement des Frères musulmans – élu en 2012 puis destitué en 2013 – n’a pas coïncidé avec une démocratisation du pays, a déclaré Mme Tadros. « Nous devons comprendre pourquoi les gens se sont rebellés contre le président Morsi [des Frères musulmans]. » 

Sous ce gouvernement, le harcèlement sexuel envers les femmes et la discrimination des Coptes auraient même augmenté. Une telle recrudescence de la violence serait à mettre au compte des « paroles et des actes quotidiens » du gouvernement des Frères musulmans qui, en désaccord avec les valeurs démocratiques de l’État de droit, visait à marginaliser certaines parties de la société. Cette attitude a, par exemple, poussé certains épiciers à refuser de servir les Coptes. « L’élection par la majorité ne mène pas automatiquement à un gouvernement pour tous, explique Mme Tadros. Nous ne pouvons pas partir du principe qu’une démocratie, en Égypte, assure les droits des femmes et la liberté de religion. » Ces deux aspects sont plutôt « fondamentaux dans chaque lutte pour l’égalité de droits ». 

Le régime égyptien actuel s’avère « loin d’être une véritable démocratie, mais les harcèlements sexuels semblent avoir diminué un peu et la cohésion entre chrétiens et musulmans s’est améliorée dans de nombreux villages. » Néanmoins, selon Mme Tadros, il existe encore beaucoup d’influences qui légitiment une différence de traitement, comme les lois sur le blasphème, le prosélytisme salafiste financé par l’Arabie saoudite, ou encore les restrictions des libertés fondamentales et l’absence d’État de droit. 

Tirer des leçons de l’Égypte 

Évoquant une perspective concernant l’avenir de la situation au Moyen-Orient, notamment la guerre en Syrie, Mme Tadros appelle la communauté internationale à apprendre de l’Égypte, et rappelle qu’un État dirigé par un gouvernement civil est un État laïc ; mais, pour autant, des élections libres ne suffisent pas à constituer une démocratie : les victoires aux élections ne remplacent pas une « politique d’intégration ». Par ailleurs, le danger vient aussi du fait que des conflits internationaux sont menés dans ces régions et déséquilibrent les rapports de force (depuis 2011, notamment, les réseaux terroristes s’étendent de la Libye à la Syrie). 

« Au milieu des troubles, nous constatons des combats continuels en faveur de la dignité humaine, a résumé Mme Tadros. Ces combats peuvent modifier le destin politique d’un pays. » 

Plus d’informations 

Le Dr Mariz Tadros est l’auteure de trois livres : Resistance, Revolt, and Gender Justice in Egypt, Syracuse University Press, 2016 ; Copts at the Crossroads, American University in Cairo Press, 2013 ; The Muslim Brotherhood in Contemporary Egypt, Routledge, 2012. 

L’exposé du Dr Mariz Tadros faisait partie de la série des conférences CSI sur « L’avenir des minorités religieuses au Moyen-Orient ». La version originale anglaise est en ligne : www.middle-east-minorities.com 

Alexandra Campana | Reto Baliarda

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