29 mai 2017

Le pays lutte contre l’extrémisme

Jusqu’à récemment, le Bangladesh passait pour un pays islamique où les autres communautés religieuses étaient respectées, qu’elles soient chrétiennes ou hindoues ; mais actuellement, l’islamisme se propage de plus en plus. Les chrétiens actifs comme le pasteur Shamim Dewan* doivent désormais craindre pour leur vie.

Grâce à l’engagement de CSI et du pasteur Dewan, ces enfants peuvent fréquenter une école rénovée au Bangladesh. (csi)

Quoique très minoritaires (1 % de la population), les chrétiens du Bangladesh pouvaient autrefois vivre leur foi librement ; c’est ce que nous explique Shamim Dewan lors d’une rencontre avec CSI à Delhi : « Nous ne sommes plus en bonne odeur dans notre pays depuis la guerre irakienne de 2003, mais les agressions effectives contre nous ont commencé il y a environ cinq ans. » Aujourd’hui, les chrétiens essaient d’être discrets en public.

L’une des premières attaques a lieu en 2013, lorsque des islamistes lancent des grenades contre une église en plein service. Lors de cette attaque, neuf personnes sont blessées, mais la police minimise l’incident en parlant d’un « groupe de saccageurs violents ». Deux ans plus tard, les islamistes perpètrent leur premier attentat mortel contre des chrétiens, faisant cinq victimes dont trois pasteurs. Le pasteur Dewan est bouleversé par ces atrocités : il rend visite aux familles de toutes les victimes, les soutient au plan matériel et prend position publiquement.

Des menaces de la part de musulmans fanatiques

Le pasteur s’exprime plusieurs fois à la télévision nationale, en condamnant sévèrement ces attentats. Mais sa situation devient très inquiétante : « Mes interventions n’ont pas du tout plu aux islamistes qui aimeraient me réduire au silence. » Vers le milieu de l’année 2015, il reçoit une première menace téléphonique en provenance de Malaisie. Puis la situation empire vers la fin 2015, alors qu’il rentre d’une émission TV et que douze hommes l’attaquent : « J’ai eu la chance de voir apparaître la police au même moment de l’autre côté de la chaussée : elle a pu chasser les agresseurs au dernier moment. »

Nouvelle attaque le dimanche de Pâques 2016 : Shamim Dewan préside un culte en plein air, au cours duquel des islamistes débarquent pour interrompre le service. Comme il s’y refuse, ils commencent à faire du tapage et endommagent l’installation musicale. Fort heureusement, les participants sont tous sains et saufs. Mais la crainte de subir d’autres attaques est toujours présente.

Depuis lors, les menaces contre ce chrétien courageux ne cessent pas. En juillet dernier, il reçoit même une lettre de l’État islamique (EI), lui intimant de quitter le Bangladesh, faute de quoi il serait mis à mort. À ce même moment, l’attaque contre un restaurant du quartier des diplomates de la capitale (Dacca) cause la mort de 22 personnes, toutes étrangères.

Les islamistes s’en prennent aux minorités religieuses et même aux musulmans modérés auxquels ils reprochent d’œuvrer contre l’islam ou de propager une fausse doctrine. Par ailleurs, plusieurs internautes laïcs sont assassinés, tout comme des musulmans soufis qui pratiquent un islam mystique mettant l’accent sur l’expérience religieuse intérieure.

Les extrémistes abusent des pauvres de façon inique

Les extrémistes religieux n’ont pas de peine à recruter leurs combattants ; le pasteur Dewan explique leur pratique ignoble : « Au Bangladesh, on compte 130 millions de pauvres pour 150 millions d’habitants. L’EI offre de l’argent à des parents pauvres pour qu’ils laissent partir leurs fils au djihad. Par ce biais, l’EI a déjà pu attirer des centaines de personnes hors du Bangladesh. Relevons qu’au Bangladesh, beaucoup de membres des ethnies minoritaires comme les Santal sont devenus chrétiens, ce qui a encore attisé la haine des islamistes contre les minorités.

Parmi les minorités religieuses, les chrétiens sont les moins protégés, nous explique le pasteur ; lorsque des hindous (majoritairement indiens) ou des bouddhistes (majoritairement chinois) sont attaqués, les ambassades indienne ou chinoise les défendent, ce qui n’est pas le cas des chrétiens qui n’ont pas de représentant international. Shamim Dewan déplore : « L’Occident n’aide pas les chrétiens du Bangladesh ; par contre, ceux-ci subissent les contrecoups de la politique occidentale, en ce qu’elle peut avoir des effets négatifs sur les musulmans. »

Aide en faveur des femmes en situation précaire

Avec l’aide d’une organisation soutenue par CSI, le pasteur Dewan soutient les jeunes femmes qui sont mises au ban de la société parce qu’elles ont été violées ; celles-ci vivent dans un établissement protégé où elles reçoivent une formation de quelques mois comme couturières.

Le pasteur explique : « Par la suite, elles travaillent dans une fabrique d’habits qui doit leur payer un salaire minimum. » La plupart de ces femmes sont chrétiennes ou hindoues, mais il y a aussi quelques musulmanes.

L’an dernier, en collaboration avec CSI, le pasteur a aussi pu remettre en état une école destinée à l’accueil des enfants issus des minorités ethniques ; l’établissement compte 98 élèves à ce jour. Dans le périmètre de l’école, un petit orphelinat pour filles a également été construit.

Sa famille s’expatrie

Du fait de son grand engagement en faveur des minorités religieuses, Shamim Dewan doit être constamment sur le qui-vive. Non seulement lui, mais aussi son épouse et ses deux enfants sont dans le collimateur de l’EI. Pour assurer sa protection, la famille du pasteur a donc quitté le pays et vit dans un lieu tenu secret.

Reto Baliarda

* Nom d’emprunt

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