30 juillet 2014

L’avis des présidents de parti sur la situation au Moyen-Orient

Nous avons demandé aux présidents des principaux partis suisses de donner leur avis sur notre campagne contre le génocide. Les Verts, l’UDC, le PLR, le PS, le PEV et le PDC ont répondu à nos questions.

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Trois questions aux présidents de parti :

  1. À vos yeux, quels ont été les apports du Printemps arabe ? 
  2. CSI met en garde contre une possible disparition des minorités religieuses au Moyen-Orient. Nous pensons en particulier à la Syrie, à l’Égypte et à l’Irak. Que pensez-vous de cette alerte de CSI ? 
  3. Que faites-vous à titre personnel ou en tant que parti en faveur des droits de l’homme au Moyen-Orient ?

UDC | Toni Brunner

1. Petite remarque préliminaire : l’appréciation des bouleversements et des conflits qui ont lieu à l’étranger n’est pas ma tâche principale en tant que président de parti. C’est plutôt la politique suisse qui est au cœur de mes activités. Quant à savoir si les bouleversements cités apporteront, comme on l’espère, plus de démocratie et de stabilité, ou si les conflits et les tensions perdureront, seul l’avenir le dira. Avant tout, le Printemps arabe a clairement démontré que des bouleversements, des émeutes, des guerres civiles et des conflits peuvent apparaître de manière soudaine, même dans des régions proches de l’Europe. La guerre civile en Syrie illustre bien la rapidité avec laquelle, dans de tels conflits, les fronts et les coalitions changent, et avec eux l’avis de l’Occident. Il est donc plus important que jamais que la Suisse conserve une attitude impartiale et neutre, ce qui lui permet d’agir comme intermédiaire et d’apporter son aide. J’observe avec une grande inquiétude les flux migratoires constants en direction du nord, qui sont la conséquence des bouleversements dans les pays arabes, car la Suisse est aussi l’une des destinations potentielles des migrants. À cet égard, il est important que la Suisse se protège contre l’importation du terrorisme islamiste qui, nourri par ces conflits persistants, a atteint une ampleur inquiétante. 

2. Je ne m’exprime pas à propos des conflits qui ont lieu à l’étranger. Toutefois, plusieurs parlementaires de l’UDC Suisse sont actifs sur le sujet de la « persécution des chrétiens » et s’engagent aussi au sein du parlement pour que la Confédération aborde sérieusement cette problématique. Je pense par exemple à la question du conseiller national Erich von Siebenthal et à l’interpellation du conseiller national Oskar Freysinger au sujet de la Syrie ou à l’interpellation « Chrétiens d’Égypte: le Conseil fédéral se préoccupe-t-il de leur sort? » déposée par le conseiller national Jean-Pierre Grin. 

3. Je suis d’avis que les droits de l’homme sont servis lorsque la Suisse s’engage de manière exemplaire et conformément aux valeurs de la démocratie directe pour le bien de sa propre population, que le peuple et ses décisions sont respectés et que la paix sociale ainsi que la prospérité sont préservées. Envers l’extérieur, la Suisse doit à nouveau appliquer la neutralité de manière systématique, car c’est à cette condition qu’elle peut offrir ses bons services (médiation diplomatique et aide humanitaire). À cet égard, une diplomatie discrète et fiable, empreinte de retenue et de modestie, est le meilleur moyen d’œuvrer durablement en faveur des droits de l’homme. En tant que parti, l’UDC s’engage fermement pour cela.


PS | Christian Levrat

1. Le Printemps arabe a éveillé de grands espoirs au sein d’une nouvelle génération qui aspire à l’avènement d’une société civile éclairée. Ce processus réjouissant ne pourra être inversé. Malgré les catastrophes politiques et humanitaires en Syrie et malgré les revers massifs en Libye et en Égypte, le monde arabe est différent aujourd’hui de ce qu’il était avant le Printemps arabe. Nous ne devons pas laisser ces revers nous décourager. En Europe aussi, le recours à une extrême brutalité n’est même pas parvenu à faire reculer les Lumières. La nouvelle Constitution tunisienne, par exemple, est l’aboutissement concret des buts de la révolution de 2011 et constitue un grand pas vers la démocratie. Comme un phare, cet exemple maintiendra éveillés les espoirs et les aspirations portés par le Printemps arabe dans toute la région. Il est d’autant plus important d’y apporter notre contribution. 

2. Le manque de protection des minorités est un problème grave dans le monde entier, et donc au Moyen-Orient également. En Suisse aussi, les votations populaires sont régulièrement défavorables aux minorités parce que la majorité a de la peine à accorder aux musulmans leurs propres cimetières, une chaire universitaire pour la formation d’imams, ou même des minarets. Qui souhaite défendre les droits des minorités de manière crédible doit le faire du point de vue général de l’humanité et du droit international. En effet, la protection des minorités ne progresse guère lorsque les chrétiens se contentent de défendre les droits d’autres chrétiens. L’engagement pour les minorités ne devient crédible qu’à condition qu’il s’applique à toutes les minorités et qu’il inclue les droits de toutes les minorités, religieuses ou non, par exemple aussi ceux des homosexuels. 

3. Dès la genèse du Printemps arabe, le PS a rédigé une prise de position intitulée « Solidarité avec les mouvements sociaux et démocratiques de protestation en Afrique du Nord et au Moyen-Orient », dont les revendications centrales ont été reprises par le Conseil fédéral en 2011, dans son programme de soutien à l’Afrique du Nord. Ce dernier repose sur trois domaines clés: 

  • soutien à la transition démocratique et renforcement des droits de l’homme ; 
  • promotion du développement économique et création d’emplois ; 
  • migration et protection des personnes particulièrement vulnérables. 

La Confédération a réservé un budget annuel de près de 60 millions de francs pour la mise en œuvre de ce programme. Étant donné les défis réels, notamment dans le domaine des droits de l’homme, le PS a toujours réclamé un engagement plus actif de la Suisse. Le PS a en outre intensifié sa collaboration avec les nouveaux partis du Printemps arabe et mène par exemple un programme de promotion de la relève pour de jeunes activistes tunisiens. En effet, pour que les droits de l’homme soient respectés, il est essentiel qu’il y ait sur place des défenseurs des droits de l’homme crédibles.


PLR | Philipp Müller

1. Malheureusement, surtout de la déception. Beaucoup ont salué la chute des régimes autoritaires au Moyen-Orient, mais aujourd’hui, l’euphorie a laissé place à la déception. Souvent, la situation en matière de droits de l’homme, d’État de droit et de démocratie est encore pire qu’avant. Le Printemps arabe a ainsi montré à quel point le réalisme politique accompagné d’un soutien au changement durable et continu est nécessaire.

2. Cette mise en garde est à prendre au sérieux. Les conflits religieux qui sont apparus dans le sillage du Printemps arabe pénalisent souvent les minorités religieuses. Notre expérience d’État multiculturel montre que la liberté de religion est capitale pour qu’un pays puisse se développer sur le plan social et économique.

3. Les conflits internationaux appellent des solutions internationales. Neutre, mais active, la nouvelle politique extérieure lancée par le président de la Confédération et conseiller fédéral libéral-radical Didier Burkhalter renforce notre pays en tant que plateforme pour les négociations, ce qui vaut aussi pour le conflit au Moyen-Orient. En ma qualité de parlementaire, je soutiens cette nouvelle politique extérieure.


PDC | Christophe Darbellay

1. Le Printemps arabe a apporté de grands changements dans cette région. Les événements qui ont eu lieu il y a quelques années ont éveillé de grands espoirs et le succès remporté par les jeunes manifestants a été considérable. L’un après l’autre, les régimes autoritaires sont tombés. Ces images ont fait le tour du monde, avertissant d’autres dictateurs qu’ils ne peuvent pas infiniment faire ce qu’ils veulent de leur peuple. Un jour ou l’autre, la coupe est comble.

Notre démocratie suisse est un privilège pour nous. Plusieurs fois par an, la population est invitée à voter et, de ce fait, à participer au processus politique. Malheureusement, l’acquisition d’une conception de la démocratie est un processus de longue haleine et l’on ne peut pas se contenter d’exporter ailleurs un modèle qui fonctionne dans un pays.

Le monde arabe en est très éloigné. La situation y est très instable. Les réformes et la démocratie souhaitées ne se sont malheureusement pas (encore) concrétisées dans tous les pays concernés. On assiste à de nombreux conflits motivés par le pouvoir et les ressources; de l’extérieur, il n’est pas toujours facile de se faire une idée de la situation dans ces pays.

Les minorités opprimées, les extrémistes et les opposants se sont fait entendre par divers moyens. Leurs voix pourraient à nouveau anéantir le délicat germe de démocratie qui peine à éclore dans ces pays.

2. Cet avertissement est à prendre très au sérieux! En ce sens, le PDC a toujours attiré l’attention sur ce problème, notamment dans le programme actuel du parti.

La persécution mondiale des chrétiens continue malheureusement de prendre de l’ampleur. Le PDC condamne la violence ouverte ainsi que la répression cachée à l’encontre de toute minorité. Il s’engage pour la protection systématique de la liberté de religion, qui est un droit fondamental, ainsi que pour la protection des minorités. Le mépris de la liberté de religion et la persécution des personnes d’autres confessions sont de graves infractions aux droits de l’homme, qui doivent être poursuivies en justice.

Il est temps que l’on reparle davantage de la liberté de conscience et de religion dans le monde, en particulier de la persécution des chrétiens!

3. Le PDC s’engage pour le respect des droits de l’homme dans le monde entier et, par conséquent, pour les droits des minorités religieuses. Les droits de l’homme sont foulés aux pieds, les discriminations, la répression et les menaces sont quotidiennes.

Le PDC est d’avis qu’en cas d’attentats ou de persécution contre les chrétiens, il convient, le cas échéant, de reconsidérer le versement d’aide au développement aux États concernés, afin de faire pression sur ces derniers. Dans les cas litigieux, l’argent devrait plutôt être versé à des communautés chrétiennes directement ou pour soutenir des projets ciblés servant de contrepoids culturel aux fondamentalistes. Il pourrait s’agir de programmes favorisant les femmes et leurs droits, de programmes pour la protection des minorités ou de programmes axés sur le respect des droits de l’homme.

Le PDC est un parti qui prône des valeurs fortes, qui s’engage pour les droits de l’homme et qui condamne avec force les discriminations, le racisme ainsi que la persécution et la violence à l’encontre des personnes d’autres confessions. Le PDC avait dès lors approuvé l’adhésion de la Suisse à l’ONU ainsi que la ratification du Statut de Rome, de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), etc. Il soutient en outre tout effort en vue de la paix dans cette région.

Peu importe que l’on agisse au nom de Dieu, d’Allah ou de toute autre religion, les attaques contre des personnes civiles non impliquées sont inacceptables. Il faut les protéger et ne pas les oublier!


Les Verts | Regula Rytz

1. Il faudrait plutôt parler «des» Printemps arabes. En effet, le contexte et l’évolution des révolutions ont été et sont encore très différents dans chaque pays. La révolte contre la misère sociale, le chômage des jeunes, la corruption ainsi que l’appel à la liberté et à la démocratie sont les points communs entre tous ces mouvements. Des dictatures ont été renversées et la Tunisie, par exemple, est bien partie pour poursuivre avec succès le processus démocratique, même si les difficultés sont nombreuses. La nouvelle Constitution progressiste tunisienne est une lueur d’espoir à cet égard. Dans d’autres pays, comme la Libye et la Syrie, la situation a tourné en guerre civile. En Égypte, le régime totalitaire a été remplacé par une nouvelle dictature militaire. La terrible guerre qui fait rage en Syrie montre aussi que la communauté internationale a lamentablement échoué.

2. La répression des minorités religieuses risque malheureusement de s’amplifier dans ces pays. Cette répression ne porte toutefois pas seulement sur les minorités religieuses. En Égypte, le gouvernement démocratique islamiste élu a été renversé lors d’un coup d’État militaire. Les Verts s’opposent à tout type de discrimination et de fanatisme religieux, chez nous comme ailleurs dans le monde. Nous soutenons non seulement les minorités religieuses, mais aussi les minorités ethniques et sexuelles. De même, nous demandons que les droits des femmes soient effectivement respectés.

3. Notre parti prône des valeurs fortes. L’engagement en faveur des minorités et des droits de l’homme fait donc partie de l’action de notre parti depuis toujours. De nombreux élus verts sont actifs dans diverses ONG. Notre parti soutient régulièrement des actions en faveur des droits de l’homme et de la paix.

S’agissant du Moyen-Orient, il est plus urgent que jamais de trouver enfin une solution équitable pour les Palestiniens. Tant que les droits des Palestiniennes et des Palestiniens ne sont pas respectés, la paix ne s’établira jamais dans cette région. 


PVL | Martin Bäumle

Tina Roth, assistante: Par manque de temps, nous ne pouvons malheureusement pas vous fournir de réponse. La session est en cours à Berne et M. Bäumle doit encore se ménager à la suite de ses problèmes de santé. Nous ne pouvons donc malheureusement pas traiter votre demande et vous remercions de votre compréhension..


PBD | Martin Landolt

Merci de votre demande. Comme je me suis peu penché sur ce sujet, je renonce à prendre position.


PEV | Marianne Streiff

1. Les femmes étaient aux premiers rangs! Les images étaient incroyablement fortes. Pourtant, une fois les révolutions passées, les femmes ont à nouveau été marginalisées. Pour nombre d’entre elles, l’hiver est revenu plus rude que jamais. Et l’histoire se répète: les révolutions n’ont jamais lieu sans les femmes, mais quand vient l’heure de répartir le pouvoir, elles sont mises de côté, toujours plus durement humiliées, abusées et exploitées. Souvent simplement parce que l’État ne leur octroie aucune protection. Il reste en effet plus facile de se débarrasser d’un dictateur que du patriarcat. Mais il existe aussi des signes prometteurs, par exemple le groupe Harass Map, en Égypte. Des hommes et des femmes y collaborent pour documenter les attaques, conseiller et aider les victimes. « Nous voulons mettre fin à l’acceptation sociale du harcèlement sexuel en Égypte », proclame le site Internet de cette ONG fondée fin 2010. Le rêve de la place Tahrir continue de vivre dans de telles initiatives!

D’un autre côté, nous devons admettre que le constat pragmatique du nonagénaire Henry Kissinger est une évidence : « Il est pour ainsi dire impossible que des partis politiques qui défendent la charia deviennent des partis démocratiques. C’est le dilemme auquel nous sommes actuellement confrontés, ne nous leurrons pas. »

2. Il est malheureusement très sérieux ! Lorsque le Coran et la charia servent de base à l’action politique, la démocratisation n’a aucune chance, et la protection des minorités encore moins. Aussi longtemps que l’islam en tant que confession ne sera pas séparé de l’islamisme, son interprétation politique, les minorités religieuses seront en danger.

3. Je m’engage au sein du groupe parlementaire Suisse-Israël et, en 2013, je me suis rendue au Moyen-Orient avec ce groupe afin de m’informer sur place de la situation politique, économique, religieuse et sociale des habitants.

En 2012, j’ai déposé au Conseil national une interpellation sur la liberté de religion et la persécution des chrétiens dans le monde. Dans sa réponse, le Conseil fédéral a confirmé qu’il demandait aux pays concernés par l’aide extérieure suisse de respecter les droits des minorités religieuses et ethniques. Il réclame en outre que les États dans lesquels des groupements extrémistes perpètrent des attentats contre les chrétiens et d’autres minorités fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher de tels actes et pour porter les responsables devant les tribunaux. 

Avec d’autres parlementaires, je suis en outre active dans un groupe qui s’engage dans ce domaine, le Réseau pour la liberté religieuse.


Les propos des présidentes et présidents de parti ont été classés selon l’importance de leur parti au Conseil national. L’enquête a été réalisée en mai/juin 2014.

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