08 août 2017

L’appel au pardon – les Turcs s’adressent aux Arméniens (Cengiz Aktar)

Recension de Roland Baertschi, lecteur CSI

LAppel-au-pardon

Ce petit livre rédigé par un journaliste Cengiz Aktar, se veut d’être le rappel d’un manifeste destiné à briser l’indifférence entourant la « Grande Catastrophe » que fut le génocide des Arméniens ottomans en 1915. L’appel fut lancé le 15.12.2008 à Istanbul et a recueilli quelques 30 000 signatures. Il faut dire que la candidature de la Turquie à l’Union européenne a pu accélérer le processus d’évolution.

La publication de l’Appel suscita de nombreuses réactions. La réplique des autorités publiques fut vive, quoique l’AKP, le parti au pouvoir, se gardât d’attiser les sentiments nationalistes… Lors d’une conférence de presse, le premier ministre Erdoğan commentait : « S’il se trouve des gens pour demander pardon d’un tel génocide, sans doute faut-il croire qu’ils l’ont commis. Ce n’est pas le problème de la République de Turquie. Le pardon ne peut être qu’une affaire individuelle… »

Le journaliste se pose alors la question : comment désigner convenablement les évènements tragiques de 1915 ? Selon lui, le terme de « Grande Catastrophe » est plus éloquent que celui de « génocide ». En effet parler de génocide, c’est enfermer l’évènement dans la notion ambigüe de châtiment, alors que la connaissance et la prise de conscience de la « Grande Catastrophe » ouvriront le chemin à une nouvelle coexistence.

Mais, qu’en est-il de la diaspora ? Jusqu’ici elle apparaissait comme un corps homogène et hostile à tout dialogue. Diaspora et Turquie s’ignoraient superbement, ce qui assurait la pérennité du monologue négationniste du côté turc et du monologue turcophobique, côté arménien. La diaspora doit faire face à un obstacle majeur qui est le caractère impératif que certains de ses membres attribuent à la reconnaissance officielle, par l’État turc, du génocide arménien. Ce blocage a fini par aveugler une partie de la diaspora qui, après des décennies de négationnisme, est aujourd’hui incapable d’apprécier l’évolution de la société turque et la mise en cause du discours officiel qui l’accompagne. Enfin, il faut le dire, faire de l’emploi légal du terme génocide une condition sine qua non, n’est-ce pas condamner toute la Turquie à rester éternellement sous l’opprobre, « jusqu’à ce qu’elle reconnaisse » ?

Cette recherche multiforme de la vérité n’a pas encore renversé la muraille du négationnisme et des tabous afférents qui étreint la Turquie. Mais elle l’a ébranlée de quelques brèches profondes. Ce sont là les premiers pas d’un processus de dialogue qui doit se développer tant à l’échelle nationale que par-delà les frontières. Il reste beaucoup à apprendre, à comprendre, puis à témoigner, écouter. Cela est vrai pour les Turcs. Cela est vrai pour les Arméniens.

Commentaire personnel. On ne peut que se réjouir, en tant qu’Européen, du courage et de la détermination qui animent plusieurs milieux turcs, décidés à rompre l’enfermement qui rendait prisonniers de l’histoire aussi bien persécuteurs que victimes.

 

CHF 6.00
77 pages
CNRS Éditions | 2010
ISBN 978-2271068484

 

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