La souffrance des minorités religieuses en Asie du Sud

CSI a soutenu un forum organisé à Genève en marge de la 27e session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU et à l’occasion duquel des experts du Bangladesh, du Népal, d’Inde et du Sri Lanka se sont exprimés. Heiner Bielefeldt, rapporteur spécial auprès des Nations Unies, a tenu l’allocution d’ouverture.

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«Les minorités religieuses sont menacées en Asie du Sud»: tel était le sujet d’une conférence qui s’est déroulée en marge de la 27e session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, le 18 septembre 2014 au Palais des Nations à Genève. L’événement était organisé par l’avocate indienne Tehmina Arora, avec le soutien de CSI, qui s’est chargé des frais de voyage des intervenants venus du Bangladesh, du Népal et du Sri Lanka. Des pays foncièrement différents: tandis que les hindouistes sont majoritaires en Inde et au Népal, le Sri Lanka (et le Népal) sont majoritairement bouddhistes et le Bangladesh (et le Pakistan) sont majoritairement musulmans.

Selon Heiner Bielefeldt, rapporteur spécial à l’ONU, la liberté de religion sert aussi l’intérêt de la majorité

«Dans une même région, les religions majoritaires sont aussi religions minoritaires», a constaté Heiner Bielefeldt, rapporteur spécial auprès des Nations Unies sur la liberté de religion ou de conviction, en guise d’introduction. De ce seul fait, la liberté de religion ne sert pas seulement l’intérêt des minorités, mais aussi celui de la majorité. Les religions majoritaires dépendent en outre de la liberté de religion pour s’affranchir de «l’étreinte de l’État», qui en règle générale nuit à la religion. «Associons-nous donc à la majorité», s’est exclamé H. Bielefeldt.

Dans toute la région, les minorités craignent à juste titre d’être attaquées, a-t-il ajouté. Ces attaques sont certes perpétrées, dans la plupart des cas, par des acteurs non étatiques, mais le gouvernement est coresponsable: souvent, les autorités ne réagissent pas correctement – par exemple, la police arrive beaucoup trop tard – ou se font même complices des criminels en promulguant des lois ciblant les minorités (notamment les lois anti-conversion en Inde).

Bangladesh: exode dramatique des minorités religieuses

L’avocat bangladeshi Biblap Barua a donné un bref aperçu des évolutions dans son pays depuis l’indépendance en 1971. Au début, a-t-il expliqué, le Bangladesh disposait d’une Constitution parmi les plus libérales. Mais les principes séculiers ont été peu à peu abolis. Proclamé religion d’État en 1988, l’islam s’est affermi grâce à l’argent du Proche-Orient et à des milliers d’écoles publiques coraniques.

Biblap Barua, secrétaire générale du Bangladesh «Hindu Buddhist Christian Unity Council», a relevé l’exode dramatique des minorités religieuses. Celui-ci est particulièrement frappant parmi les hindouistes: à la fondation du Bangladesh, ils représentaient encore un quart de la population. Aujourd’hui, ils sont moins de 10%. On assiste régulièrement à de grandes flambées de violence. En 2012, les maisons et les sanctuaires des bouddhistes ont servi de cible, en 2013, les temples et les maisons des hindouistes. 

«Il faut beaucoup d’attention et de travail pour prévenir ces violences, a rappelé B. Barua. Face à de telles horreurs, nous ne pouvons pas nous contenter de nous taire.» Il faut faire respecter l’ordre et la loi, et poursuivre les criminels en justice.

Inde: la loi encourage la violence contre les minorités

Tehmina Arora, avocate indienne membre de l’«Alliance Defending Freedom» et organisatrice du forum, a exposé la situation en Inde. Les lois anti-conversion en vigueur dans six États ont des conséquences désastreuses pour les minorités religieuses. «Ces lois anti-conversions servent souvent de prétexte pour attiser les violences ou pour arrêter un pasteur.» Dans l’État du Chhattisgarh, 50 villages ont interdit toute activité religieuse non hindouiste.

Tehmina Arora a en outre critiqué le décret présidentiel de 1950, en vertu duquel les hindous de confession chrétienne ou musulmane et d’arrière-plan dalit n’ont pas droit aux mesures d’aide à cause de leur foi. 

En février 2014, Tehmina Arora s’était exprimée devant un comité de la Chambre des représentants aux États-Unis. Son discours donne un bon aperçu de la situation des chrétiens en Inde. Il peut être commandé ou téléchargé sur notre site.

Népal: la Constitution provisoire est séculière

Selon Tanka Subedi, fondateur et directeur de l’«Institute for Theological Education by Extension», les chicaneries à l’encontre des minorités religieuses sont de plus en plus fréquentes au Népal. Celles-ci ne sont guère représentées dans les hautes fonctions étatiques. Par ailleurs, au sein de l’armée ou des forces de police, de nombreux chrétiens ont été malmenés en raison de leur foi. 

Chrétiens pourchassés et instauration d’un État hindouiste, l’histoire mouvementée du Népal inclut aussi cela.

Aujourd’hui, la Constitution provisoire adoptée en 2007 stipule toutefois que le Népal est un État séculier… mais les opposants sont nombreux.

Sri Lanka: dégradation rapide depuis quelques années

La situation du Sri Lanka a été exposée par le pasteur Godfrey Yogarajah, directeur de la Commission pour la liberté religieuse de l’Alliance évangélique mondiale. Il a expliqué que les extrémistes bouddhistes peuvent y sévir en toute impunité. Parfois, ils sont même rejoints par la police. De nombreuses Églises sont illégales, car on ne leur délivre pas d’autorisation. Dans un projet de loi de 2013, l’État donne une définition intéressante de l’église, a constaté G. Yogarajah sur un ton sarcastique.

Selon cette définition, une église doit disposer d’une certaine étendue de terres et avoir au moins 150 membres. 

Les lois sri-lankaises protègent la minorité, non les minorités. Dans le domaine de l’éducation aussi, on constate des discriminations: les enfants chrétiens doivent participer à des rituels bouddhistes et les écoles publiques refusent d’engager des enseignants chrétiens. 

G. Yogarajah a présenté une sombre conclusion: «La situation religieuse au Sri Lanka s’est rapidement dégradée ces dernières années.» Les chrétiens ne sont pas les seuls concernés, a-t-il ajouté: les musulmans et les hindous sont aussi touchés. En 2013/2014, on a recensé plus de 300 actes de violence contre des musulmans; de nombreux temples hindous ont été remplacés par des temples bouddhistes. L’impunité règne dans le pays, alors que tout le monde connaît les coupables: ces crimes sont perpétrés par des groupements d’extrémistes bouddhistes. «Il est urgent d’agir pour sauvegarder la liberté de religion», s’est-il exclamé. 

Adrian Hartmann

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