26 avril 2017

La liberté de religion est gravement restreinte

En Ouzbékistan, lire la Bible ou le Coran à la maison peut déjà être puni. Les groupes religieux qui ne correspondent pas aux directives étatiques sont persécutés. Sous le couvert de la lutte contre l’extrémisme, l’État contrôle toute pratique religieuse.

L’école coranique (madrasa) Cher-Dor à Samarkand. La pratique de l’islam et du christianisme est sévèrement contrôlée en Ouzbékistan. (wp)

[wly_protest id=’2923′]


En Ouzbékistan, la population est composée à près de 90 % de musulmans sunnites et à 8 % de chrétiens orthodoxes russes ; la Constitution garantit la liberté de religion. Ici, l’islam est diversifié et modéré. Il est plutôt marqué par les pratiques et traditions communautaires que par une interprétation rigoureuse du Coran.

Parallèlement, l’islam autant que le christianisme sont instrumentalisés par l’État. Le gouvernement édicte des prescriptions strictes à l’égard de toute pratique religieuse. Les groupes musulmans et chrétiens qui pratiquent leur foi en dehors des institutions religieuses soutenues par l’État sont criminalisés.

Arrêté à la frontière

L’exemple d’Akmaljon Nigmatjanovich Rasulov montre à quel point l’État est strict à cet égard. Le 23 mars 2016, ce Kazakh de 27 ans a voulu entrer en Ouzbékistan pour affaires. À la frontière, les douaniers ont trouvé des écrits islamiques et des versets du Coran sur son smartphone. Le 21 juillet 2016, M. Rasulov a été condamné à cinq ans de prison pour avoir tenté faire de la contrebande de matériel religieux prohibé en Ouzbékistan. La peine a été confirmée en deuxième instance le 6 décembre 2016.

Sa famille craint pour l’état de santé du condamné. Elle s’est adressée à l’organisation des droits de l’homme Forum 18 : « Lors de la première audience (devant le tribunal), nous avons remarqué des brûlures à ses pieds. Nous sommes convaincus qu’il a été torturé par des gardiens de prison. »

Deux ans de travaux forcés

En Ouzbékistan, les chrétiens possédant du « matériel religieux interdit » sont rapidement traduits devant les tribunaux. Le 17 mai 2016, la police et le redouté service secret NSS ont effectué une rafle dans la maison du baptiste Stanislav Kim où ils ont réquisitionné des Bibles et de la littérature chrétienne. M. Kim a été condamné à deux ans d’éducation au travail le 26 août 2016. Durant cette période, il n’a pas le droit de quitter un cadre strict et doit donner chaque mois un cinquième de son salaire à l’État. « Payer une amende aussi élevée durant deux ans est bien trop dur alors que mon seul tort est d’avoir possédé des livres chrétiens à la maison. » En Ouzbékistan, les chrétiens protestants et baptistes comme M. Kim sont particulièrement opprimés.

La restriction de la liberté de religion en Ouzbékistan est particulièrement sévère dans le domaine des écrits religieux. Il est vrai que le fait de posséder une Bible ou un Coran à la maison est toléré, mais ces écrits ne peuvent être lus qu’en des « lieux sacrés », à savoir des églises orthodoxes et des mosquées. De fait, cela correspond à une interdiction de littérature religieuse à la maison et dans des lieux publics.

La pression qu’exerce l’État est si grande que certaines personnes, par peur, détruisent leurs livres religieux ou les placent dans des mosquées et des églises enregistrées par l’État. Ceux qui sont découverts étudiant des écrits religieux à la maison risquent une lourde peine.

Souvent espionnés

La liberté de réunion des groupes religieux est également restreinte. Lors de rencontres religieuses à la maison ou dans des lieux non enregistrés, les membres de toute religion doivent craindre une rafle de police. Les croyants sont souvent menacés, arrêtés ou même torturés, la police étant soutenue par l’État à cet égard.

Les événements religieux sont aussi perturbés indirectement par la surveillance policière. Ainsi, un chrétien qui veut rester anonyme déclare : « Dix minutes avant la fin d’un service religieux, la police secrète a commencé à filmer tous ceux qui quittaient l’église. » Même les enfants sont tourmentés. On entend régulièrement parler de rafles de police dans des camps d’enfants chrétiens.

Obstacles lors de l’enregistrement

Lors de rafles de police, les autorités accusent souvent les groupes religieux de ne pas être enregistrés. Il est vrai qu’en dehors de l’islam sunnite contrôlé par l’État et de l’Église orthodoxe russe, de nombreuses communautés religieuses ne sont pas enregistrées. Cela s’explique par le fait que les obstacles pour obtenir une autorisation étatique sont si nombreux que toute tentative semble vaine : il faut notamment désigner cent adultes qui se déclarent publiquement fondateurs de la communauté. Ces cent fondateurs doivent ensuite payer une taxe extrêmement élevée, soit au total 50 fois le salaire mensuel minimal.

De nombreuses communautés religieuses évitent donc de s’enregistrer, ce qui est autorisé par le droit international.

Tout est justifié par la « menace terroriste »

Lors des contrôles et de rafles, les autorités étatiques font souvent état du danger islamiste qui règne en Ouzbékistan. À cause de l’apparition de quelques groupes islamistes, elles mettent en garde contre une menace sécuritaire due à l’islam en tant que religion, ceci en dépit du fait que la majorité des musulmans ouzbeks considèrent leur religion comme faisant partie de leur identité ethnique et rejettent l’islam intégriste. Les chrétiens non orthodoxes sont également vite rangés du côté des radicaux. « C’est incompréhensible, mais nous tombons dans la catégorie d’extrémistes religieux potentiels », déclare un pasteur ouzbek.

Le strict contrôle des pratiques religieuses semble, à court terme, profitable pour le gouvernement. Mais parallèlement, des masses sociales présentant des formes d’expression islamiques alternatives et attisant l’extrémisme pourraient voir le jour. Par la restriction de la liberté de religion, l’Ouzbékistan pourrait ainsi justement jouer le jeu des intégristes que le pays tente de museler.

Reto Baliarda

Commentaires

Nous serions heureux que vous nous fassiez part de vos commentaires et de vos ajouts. Tout commentaire hors sujet, abusif ou irrespectueux sera supprimé.


The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.

Votre commentaire a été envoyé.

Le commentaire a été envoyé. Après avoir été vérifié par l'administrateur, il sera publié ici.