Ici, il est interdit de se convertir

En juillet 2016, le responsable de mission CSI Gunnar Wiebalck s’est à nouveau rendu au Pakistan. Avec son réseau, il a visité des chrétiens persécutés et plusieurs survivants d’attentats terroristes. Dupuis 2006, CSI fournit de l’aide à court et à long terme.

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C’est l’été au Pakistan. En juillet, la température à Karachi et à Lahore peut monter à plus de 40 degrés. Mes hôtes m’ont offert un kamiz pour remplacer mes vêtements européens. Il s’agit d’une longue chemise qui est fendue depuis la hanche pour garantir la liberté de mouvement. On porte le kamiz par-dessus un pantalon bouffant (le salwar).

Depuis la guérison de sa fille, il est chrétien

Dans un lieu secret, nous rencontrons Abdullah*, un ancien imam. Il a quitté le cercle Ruet-e-Hilal qui réunit des érudits musulmans dans le but d’étudier les phases de la lune pour déterminer le moment de la fin du ramadan. Depuis la guérison miraculeuse de sa fille de 17 ans, Abdullah n’est plus imam. Il est même devenu un chrétien convaincu. 

En 2009, la fille d’Abdullah était aux portes de la mort et n’était même plus capable de tenir un objet dans sa main. Un jour, l’imam s’est rendu dans l’atelier d’un briquetier musulman. Il avait été appelé pour bénir la cuisson des briques afin que toutes les pièces deviennent dures. Il y a parlé de sa fille et un ouvrier chrétien lui a proposé de prier pour son enfant malade. Abdullah a d’abord refusé. 

Un peu plus tard, un mollah de ses amis a affirmé que la prière d’un chrétien qui croyait sincèrement en Jésus pouvait être efficace, ce qui a décidé Abdullah à retourner vers l’ouvrier. La prière de cet homme l’a complètement bouleversé et lui a insufflé une force inouïe. À la fin, inondé de larmes, il priait avec l’homme. Lorsque sa fille a ouvert ses yeux et s’est levée, Abdullah a commencé à douter de sa foi musulmane. Un imam intégriste est ainsi devenu chrétien. Mais une conversion au christianisme est inconcevable pour les musulmans. 

Depuis six ans, Abdullah est forcé de vivre en changeant régulièrement de cachette. Ses amis et sa famille ont réagi avec hostilité, parfois même avec violence. Les Églises refusent même de l’intégrer, par crainte des représailles de la part des musulmans. Mais chaque dimanche, on retrouve Abdullah dans un lieu de culte différent. Ici encore, il ne peut se fixer nulle part.

La crainte des Églises au Pakistan est compréhensible. L’admission d’un homme aussi célèbre « coupable » d’apostasie de l’islam menace leur survie. En effet, depuis de nombreuses années, les extrémistes s’en prennent à tout ce qui est chrétien dans le pays. Le 2 mars 2011, le ministre des Minorités religieuses Shahbaz Bhatti a même été assassiné à Islamabad, la capitale. À Peshawar en 2013 et à Lahore en 2015, des kamikazes se sont fait exploser au milieu des fidèles lors du culte. Chaque rumeur selon laquelle des chrétiens auraient offensé le prophète Mahomet peut servir de prétexte aux pires atrocités. De telles rumeurs peuvent déboucher sur des situations comme celle de Lahore (dans la colonie St Joseph), de Gojra ou de Youhanabad, où des quartiers entiers qui abritaient des milliers de chrétiens ont été incendiés. De nombreuses mosquées du pays ont pour but de pousser les musulmans les plus fervents à se radicaliser… les lois sur le blasphème font le reste. 

Aide à long terme pour les victimes de la terreur

Nous visitons aussi des survivants de l’attentat terroriste de Pâques. Le 27 mars 2016, dans le parc Gulshan-e-Iqbal, à Lahore, plus de 70 personnes ont perdu la vie et plus d’une centaine ont été grièvement blessées. Nazir et Soraja pleurent la perte de leur fils Haroon qui laisse une veuve, Sarah (26 ans), et sa fille Areesha (1 an). Quatre opérations financées par CSI ont sauvé la vue de Seima, l’épouse de leur deuxième fils, Shahzad, qui se tenait à côté de Haroon, mais qui s’en est tiré avec quelques égratignures. Seima, quant à elle, a encore perdu son neveu Amanjohn (14 ans) et sa nièce Sahel (11 ans). 

Des blessés se reconstruisent

Le 5 juillet 2016, les contacts de CSI à Lahore ont organisé une distribution d’aliments pour les victimes de l’attentat du 15 mars 2015. Nous avons pu revoir Qaisar, Yusuf et Iskender. Après des opérations difficiles financées par CSI, ces trois hommes ont eu la vie sauve. Qaisar, un grand brûlé, travaille à nouveau comme tailleur. La blessure à la jambe d’Iskender est guérie et malgré la perte de son œil droit, il conduit à nouveau sa moto. Yusuf est également retourné à la vie active, ses blessures profondes aux bras et jambes se sont cicatrisées.

Nous avons encore rencontré trois garçons : Shahbaz, Irfan et Adnan. Après l’attentat du parc Gulshan-e-Iqbal, la jambe du jeune Shahbaz a dû être amputée. Irfan et Adnan, quant à eux, ont subi de graves blessures au bas-ventre et devront probablement passer le restant de leur vie avec un anus artificiel.

Un éclat de bombe s’est fiché dans le cerveau de Qaisar Zaheer et sa mémoire est complètement effacée. Sans l’engagement de sa sœur Rachna, également blessée, il ne serait plus en vie. Mais elle ne veut pas se décourager : « Je prie chaque jour pour mon frère », dit-elle. Elle espère trouver les moyens pour financer une opération du cerveau qui pourrait le guérir. 

Le cas de Sobia (image de couverture) et de ses enfants Farzal (8 ans) et Zeenat (6 ans) est particulièrement tragique. Cette famille de Faisalabad a voulu passer le week-end pascal à Lahore, chez la tante de Sobia. Mais le 27 mars 2016, son mari a perdu la vie dans l’attentat. Sobia est anéantie : « Mes enfants demandent régulièrement ‹ Pourquoi papa ne rentre-t-il pas à la maison ? › ». La veuve a maintenant déménagé avec ses enfants à Youhanabad, près de Lahore. Elle y vit dans une cave sans fenêtre avec sa sœur célibataire, Soraja. 

CSI se tient aux côtés de toutes ces personnes. Parfois, beaucoup de temps est nécessaire pour que les choses retrouvent un cours normal, mais nous ne voulons pas les abandonner à leur sort. Avec notre réseau local, nous pouvons apporter beaucoup ici. Et notre engagement pour les chrétiens persécutés au Pakistan continue. Mais nous soutenons également ceux qui se sont enfuis à l’étranger à cause d’accusations et de persécutions et qui attendent de l’aide, comme le pasteur baptiste de Gojra, Sarfraz Sagar, et sa famille. 

Les rencontres avec ces héros de la foi, qu’ils soient victimes de la haine ou pourchassés comme l’imam Abdullah, démontrent une fois de plus que Dieu bâtit son royaume là où la détresse est la plus grande. 

Gunnar Wiebalck, responsable de mission CSI pour le Pakistan 

*Nom fictif 

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