20 octobre 2016

Une famille à nouveau réunie après trois semaines

Lors de l’attaque contre le village de Ngoshe, l’épouse et les enfants de Sina Ibrahim ont été enlevés par des terroristes de Boko Haram. Trois semaines plus tard, ils ont pu s’enfuir. Enfin réunie, la famille se trouve dans le camp de réfugiés à Jos. Reto Baliarda s’est entretenu avec Sina.

Sina, son épouse Asabe et ses quatre enfants. La famille est reconnaissante de pouvoir vivre en paix dans le camp de réfugiés de Jos. (csi)

Le camp de réfugiés chrétien qui est soutenu par CSI se trouve dans la périphérie de Jos, la capitale de l’État fédéré de Plateau. Un soldat armé et un policier sont de garde. Ils accueillent avec le sourire les représentants de CSI Franco Majok et Reto Baliarda. La question « Comment allez-vous ? » fait partie des formules de politesse usuelles, comme chez nous.

Le pasteur Mancha Darong, le responsable du camp, conduit ses hôtes dans son bureau. Des enfants qui s’ébattent bruyamment dans la cour intérieure ne passent pas inaperçus. Une tête se glisse régulièrement dans l’embrasure de la fenêtre pour capter un regard de ces hôtes inhabituels. Contre toute attente, les enfants semblent joyeux. « La plupart des 231 réfugiés réunis ici sont gravement traumatisés et ont besoin d’une prise en charge psychologique », explique le pasteur. Apparemment, les enfants savent mieux gérer leur passé.

Une famille séparée par l’attaque

La famille de Sina Ibrahim (32 ans) porte un lourd fardeau qui a manqué de l’écraser durant plusieurs mois. La maman, Asabe (28 ans), ainsi que ses trois enfants aînés (4 à 8 ans) sont assis calmement dans le bureau… le bébé de 8 mois, né dans le camp de réfugiés, est le plus vif.

Sina parle d’une voix claire lorsque nous évoquons les terribles événements des derniers mois : c’était en novembre 2014, lorsque des combattants de Boko Haram ont attaqué leur village chrétien, Ngoshe. Plusieurs villageois ont été tués, les maisons pillées et incendiées. « Nous courions de toutes nos forces. Lors de notre fuite dans les montagnes, j’ai perdu ma famille de vue. »

Emprisonnés durant trois semaines

Une semaine plus tard, Sina apprend une nouvelle bouleversante : son épouse et ses trois enfants ont été enlevés par Boko Haram et emmenés dans un haut lieu des terroristes, à Gwoza. « Les reverrai-je jamais vivant ? » Sans réponse à cette question angoissante, Sina doit se mettre lui-même en sécurité et il s’enfuit au Cameroun.

Trois semaines plus tard, il peut enfin respirer : sa famille l’appelle pour lui dire qu’ils ont pu échapper à Boko Haram. « Nous, les chrétiens qui ne voulions pas nous convertir à l’islam, étions emprisonnés dans une cour intérieure entourée de hauts murs. Nous nous sommes aidés mutuellement et avons ainsi pu grimper par-dessus les murs », raconte Asabe.

Ils parviennent à se cacher avec d’autres rescapés dans des grottes qui se trouvent dans les montagnes de la région de Gwoza. Sina n’hésite pas une seconde et profite de la nuit pour venir retrouver sa famille. À 5 heures du matin, il arrive au pied des montagnes. Comme Boko Haram est très actif pendant la journée, il attend 20 heures pour gravir les collines. « Lorsque je suis arrivé à proximité des grottes, je me suis montré en assurant que les réfugiés n’avaient rien à craindre. La zone est gardée en permanence par des réfugiés et un garde s’est rapidement approché de moi. » Après quelques explications, Sina peut enfin à nouveau serrer sa famille dans ses bras.

Bien sûr, la famille réalise qu’elle doit s’éloigner encore de Gwoza. D’une part parce que la vie dans les grottes est dure, mais d’autre part parce que Boko Haram fait des incursions régulières dans la région. Ils se mettent en chemin à minuit. La fuite au Cameroun est difficile, car les terroristes islamistes ont bloqué de nombreuses routes transfrontalières. « Nous sommes infiniment reconnaissants envers Dieu d’avoir trouvé un chemin sûr. Le lendemain, nous avons atteint le village de Mazagwo, au Cameroun. »

Sina est aussi heureux parce que la fuite a eu lieu pendant la période de la moisson. En effet, sa famille avait tout perdu. Grâce à la moisson, ils peuvent travailler dans les champs et vendre les oignons récoltés sur le marché.

Les chrétiens tourmentés

En décembre 2014, Asabe et son fils aîné tombent malades. Sina n’a pas d’argent pour le traitement médical. C’est pourquoi, avec l’aide de son frère, il organise un transport vers le camp de réfugiés de Yola, au Nigéria. Ici, les deux malades peuvent se rétablir grâce aux soins médicaux. Mais à part cela, la famille y vit des temps difficiles : « Le camp était dirigé par des musulmans. Comme chrétiens, nous étions sans cesse discriminés et importunés. »

Sina raconte sa détresse à un de ses frères. Ce dernier lui suggère de se rendre à Jos. En avril 2015, Sina, son épouse et ses trois enfants atteignent le camp de réfugiés chrétiens situé dans la banlieue de Jos.

Depuis plus d’un an et demi, la famille qui compte maintenant six personnes se trouve dans ce camp chrétien soutenu par CSI. « Nous sommes très heureux d’être en sécurité. Nous sommes beaucoup mieux qu’à Yola », remercie Sina. En outre, ici, il trouve de temps à autre la possibilité de gagner un peu d’argent en réalisant divers petits travaux. Mais Sina voudrait à nouveau travailler comme agriculteur et il cherche un terrain en dehors du camp. Mais sa famille restera dans le camp jusqu’à nouvel ordre. Il préfère la savoir en sécurité.

Sina exclut un retour dans sa patrie, à Ngoshe : « La situation y est encore trop dangereuse. Même les musulmans qui se détournent de Boko Haram sont assassinés. »

Reto Baliarda

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