26 octobre 2017

Les États-Unis cessent leurs livraisons d’armes aux rebelles – les djihadistes battent en retraite

La guerre en Syrie fait de moins en moins souvent la une des journaux dans le monde. Mais ce que beaucoup ignorent, c’est qu’au printemps 2017, le soutien militaire secret de la CIA aux rebelles islamistes soi-disant « modérés » a été arrêté. CSI se félicite de cette avancée.

John Eibner dans une église détruite à Alep. Les rebelles « modérés » s’en prennent, pour des raisons religieuses, également aux chrétiens. (csi)

Depuis le début de la guerre en Syrie en 2011, les rebelles « modérés » (en apparence) de Syrie ont été soutenus par les États-Unis, que ce soit directement ou par le truchement de leurs alliés, dans le but de faire tomber le président syrien Bachar el-Assad. Déjà à cette époque, le responsable CSI pour le Moyen-Orient John Eibner avait mis le doigt sur les tendances islamistes des rebelles. Dans l’interview qui suit, il explique pourquoi CSI soutient par la campagne No Arms for Terrorists le projet de loi Stop Arming Terrorists (pas de livraison d’armes à des terroristes), qui a été présenté aux deux chambres du Parlement américain.

L’ancien gouvernement américain de Barack Obama avait en place un programme de la CIA pour soutenir les rebelles « modérés » ayant pour but de faire tomber le régime dictatorial syrien. Pourquoi CSI n’a-t-elle pas soutenu cette politique ?
John Eibner : Le terme « modéré » est trompeur. En automne 2014, même l’ancien vice-président américain Joe Biden avait qualifié l’opposition « modérée » syrienne de mythe et il avait déclaré très clairement : « Il n’existe pas de position centriste modérée ». Il avait raison : les rebelles islamistes ont toujours dominé le soulèvement armé en Syrie. Leur but ultime a été dès le début d’offrir à la majorité sunnite une prédominance qui permettrait d’établir la charia dans tout le pays. Or il faut savoir qu’un État soumis à la charia discrimine les femmes, les chrétiens, les autres minorités religieuses non sunnites, les sunnites modérés, les penseurs libéraux, etc.

Un État où règne la charia n’a rien à voir avec la démocratie au sens occidental du terme. Aucun de ces groupes rebelles n’a été élu démocratiquement, mais il s’agit plutôt de « mini-dictatures » qui règnent par la violence des armes.

CSI ne s’est pas laissé tromper par l’idée que le pluralisme social et religieux qui existait en Syrie pourrait être mieux garanti par une dictature islamiste que par une dictature séculière. Depuis le début du conflit syrien, en 2011, CSI a prédit qu’une montée des rebelles islamistes irait de pair avec un programme de purification religieuse. Raison pour laquelle nous avons alors publié une « alerte au génocide ». Malheureusement, nos craintes se sont concrétisées peu après lors de plusieurs attaques de type génocidaire contre des chrétiens et d’autres minorités religieuses non sunnites. L’ancien secrétaire d’État américain John Kerry a lui-même confirmé cela l’an dernier.

Pourquoi l’Amérique a-t-elle tout de même soutenu les rebelles ?
La raison officielle évoquée était alors le soutien à un « changement démocratique ». Mais une analyse secrète du département de la Défense des États-Unis a été rendue publique. Elle donne une explication plus plausible : les forces qui soutenaient les rebelles armés islamistes voulaient instaurer un empire islamiste sunnite afin de briser le « croissant chiite » qui va de l’Iran au Liban, en passant par l’Irak et la Syrie.

Plusieurs partisans célèbres de ce programme de la CIA, comme le général David Petraeus, demandaient sans réserve que les États-Unis soutiennent les « éléments modérés » au sein de la nébuleuse terroriste Al-Qaïda.

Peut-on parler d’erreur ?
Plusieurs décideurs politiques qui approuvent le programme de fourniture d’armes aux djihadistes « modérés » prétendent que cela peut permettre que ces rebelles renoncent ainsi à rallier des milices terroristes plus extrémistes comme l’État islamique (EI) ou Al-Qaïda. Or c’est le contraire qui s’est produit : le soutien de Washington aux rebelles « modérés » a coïncidé avec un accroissement de la force et de l’influence de ces réseaux terroristes. À présent, ils sont tous les deux fortement affaiblis suite au retrait du soutien du gouvernement américain aux rebelles.

On pourrait donc dire que l’armement de ces rebelles « modérés » a accentué la crise syrienne.
Il suffit de regarder les statistiques : lorsque l’ancien président américain Barack Obama a annoncé, à l’été 2011, que le régime Assad devait être aboli, on dénombrait alors 3000 morts depuis le début du Printemps arabe en Syrie (chiffres de l’ONU). À ce jour, on recense presque un demi-million de morts dans la guerre syrienne. Par ailleurs, les minorités religieuses comme les chrétiens ont été de plus en plus persécutées et expulsées de chez elles.

CSI soutient de ce fait l’action No Arms for Terrorists. De quoi s’agit-il concrètement ?
Le but de cette action était de convaincre le gouvernement américain à Washington de ne soutenir ni l’EI, ni Al-Qaïda, ni un quelconque acteur qui collabore avec ces groupes terroristes, qu’il soit étatique ou non. Cette campagne est accompagnée du projet de loi Stop Arming Terrorists qui a été déposé à la Chambre des représentants par la démocrate Tulsi Gabbard et au Sénat par le républicain Rand Paul.

Comment se manifeste le soutien de CSI à cette campagne ?
Nous donnons des informations tout d’abord par le biais de notre site en anglais No Arms for Terrorists (www.na4t.org). En outre, nous sensibilisons les gens sur les conséquences de cette politique fallacieuse par des rapports dans les médias ainsi que par la mise en place d’interviews et de colloques avec des personnalités politiques influentes.

Est-ce que les principaux buts de la campagne ont été atteints ?
Sur le plan concret, le président américain Donald Trump a mis un terme au programme de la CIA pour armer les rebelles syriens sans bruit – ni tweet ou autre action d’éclat personnelle –, sans même avoir reçu de sommation de la part du Congrès américain. Selon un rapport du Washington Post d’août 2017, cette décision serait entrée en vigueur au printemps 2017. CSI se réjouit que le président américain ait fait ce pas décisif.

Il semble qu’en fin 2016, l’administration Obama était déjà parvenue à la même conclusion, à savoir que le fait de continuer à armer des djihadistes était contre-productif. Pour cette raison, Al-Qaïda et les autres rebelles djihadistes n’avaient reçu qu’un faible soutien à Alep-Est, ce qui ne leur avait pas permis de résister à l’offensive de l’armée syrienne.

Peut-on déjà constater des résultats positifs à cette décision ?
Absolument. Pour cette seule année 2017, l’ONU donne le chiffre de 600 000 retours d’exilés vers Alep et vers d’autres villes d’où les rebelles se sont retirés. Pour les chrétiens, les autres minorités religieuses, les sunnites modérés et d’autres mouvements libéraux, la situation sécuritaire en Syrie s’est nettement améliorée. Il y a des projets de reconstruction dans plusieurs endroits ; CSI soutient par exemple la rénovation du toit du centre sportif arménien d’Alep ainsi que la réfection du centre catholique pour enfants handicapés à Homs. L’armée syrienne et ses alliés y ont bouté hors de la ville les derniers djihadistes « modérés ».

Quels sont les contours de l’engagement politique futur de CSI pour la Syrie ?
Le but de CSI à long terme est simple : les chrétiens et les autres minorités religieuses syriennes doivent pouvoir rester ou retourner dans leur patrie. Pour cela, il faut de réelles garanties de sécurité et des perspectives d’avenir. Il y a encore beaucoup de travail à cet égard.

Autre élément à ne pas perdre de vue : la fin du soutien de Washington aux rebelles islamistes ne signifie pas pour autant la fin de la guerre économique menée contre la Syrie. Les sanctions économiques draconiennes ont un effet dévastateur sur la population civile et vont fortement retarder la reconstruction du pays. Les sanctions sont une arme de guerre, appliquée non seulement par Washington, mais aussi par Bruxelles et par Berne, au mépris du fait que des punitions collectives à l’encontre de la population civile sont contraires aux Conventions de Genève.

Nous ne pouvons qu’espérer que la Suisse abandonne cet instrument de guerre et prier pour qu’elle revienne à sa tradition humanitaire séculaire en respectant sa neutralité et en défendant par tous les moyens les Conventions de Genève.

Reto Baliarda


Vidéo sur YouTube (en anglais) : John Eibner lors d’une interview à la télévision américaine consacrée à la campagne No Arms for Terrorists.

Commentaires

Nous serions heureux que vous nous fassiez part de vos commentaires et de vos ajouts. Tout commentaire hors sujet, abusif ou irrespectueux sera supprimé.


The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.

Votre commentaire a été envoyé.

Le commentaire a été envoyé. Après avoir été vérifié par l'administrateur, il sera publié ici.