Des innocents condamnés à la prison à vie

Sept chrétiens ont été condamnés à la prison à perpétuité pour avoir assassiné un dignitaire hindou célèbre en août 2008. Les preuves présentées sont confuses, les déclarations des témoins sont invraisemblables. Pire que tout, un groupe de rebelles revendique ce meurtre !

Le portrait du Svami Laxamananda Saraswati, avec la question « que doivent subir les meurtriers ? »

Mise à jour (novembre 2018) : Le cas des sept chrétiens est toujours pendant auprès de la cour supérieure de Cuttack.


Le 3 octobre 2013, après un procès-fleuve, sept chrétiens ont été condamnés à la prison à vie dans l’État d’Odisha. Ces pères de famille (entre 31 et 42 ans) ont tous plusieurs enfants. Depuis plus de 5 ans, leurs familles essaient de s’en sortir sans eux.

Les chrétiens condamnés – Bijay Kumar Sunseth, Gornath Chalanseth, Budhadeb Nayak, Bhaskar Sunamajhi, Durjo Sunamajhi, Munda Badmajhi et Sanatan Badmajhi – ont démontré à plusieurs reprises qu’ils étaient innocents et que l’accusation était un tissu de calomnies, en vain. Toutes les instances auxquelles ils ont fait appel ont même refusé de les libérer sous caution, considérant que ce cas très délicat avait fait assez de bruit.

Un meurtre bien improbable

Les sept chrétiens ont été condamnés pour l’assassinat du célèbre Svami (titre honorifique hindou) Laxamananda Saraswati, qui a été tué en même temps que quatre de ses successeurs le 23 août 2008 dans le district du Kandhamal (État d’Odisha). Le gourou d’environ 80 ans était un membre dirigeant du groupe nationaliste extrémiste hindou Vishwa Hindu Parishad. Or c’est ce groupe qui a lancé l’accusation contre les chrétiens du Kandhamal.

Par la suite, une campagne de plusieurs jours avait été menée entre la fin août et le mois de septembre 2013 contre les villages chrétiens de la région. Plusieurs milliers de maisons et environ 300 églises avaient été pillées et incendiées dans 415 villages. Une centaine de personnes avaient été tuées et plus de 50 000 autres s’étaient retrouvées sans abri. La foule hindoue surexcitée était devenue incontrôlable, et ce n’est que lorsque le Premier ministre – cédant aux protestations internationales – avait envoyé des troupes au Kandhamal que la violence avait pris fin.

Les victimes deviennent des coupables

Depuis 2010, CSI œuvre dans le district du Kandhamal. La responsable de mission CSI et Adrian Hartman sont rentrés d’un voyage en Inde à la fin septembre 2013. Leurs récits sont bouleversants : les chrétiens qui ont subi la vague de violence en 2008 ne sont non seulement pas reconnus comme des victimes, mais au contraire, ceux qui ont dû quitter leurs villages en espérant trouver des ressources à Bhubaneshwar, la capitale de l’Odisha, sont obligés de taire leurs origines pour ne pas être discriminés. En effet, le grand public estime que les chrétiens du Kandhamal doivent être tenus pour responsables de l’assassinat de Laxamananda Saraswati.

De plus, la pression des extrémistes hindous sur les autorités est si grande que les coupables des persécutions ne sont souvent pas poursuivis. Notre partenaire Chaya Ram s’engage pour que justice soit faite aux chrétiens du Kandhamal. Si les extrémistes hindous ne devaient pas être punis, cela reviendrait à leur donner carte blanche pour continuer à tuer et à incendier.

La sentence est une vive déception

En 2008, un groupuscule maoïste avait revendiqué le meurtre du Svami. Ces rebelles sont actifs dans les États les plus pauvres d’Inde. Ils se révoltent avec violence contre le gouvernement et contre tous ceux qu’ils considèrent comme des exploiteurs. Comme aucun lien n’avait pu être établi entre les sept chrétiens et les maoïstes, les avocats chrétiens et les responsables d’Églises s’attendaient à ce qu’ils soient acquittés. Chaya Ram, par exemple, nous a écrit sa grande déception.

Pratap Chhinchani s’attendait également un acquittement. Cet avocat qui travaille avec Chaya Ram au Kandhamal se charge maintenant de la défense des sept chrétiens et fait appel à la cour supérieure, à Cuttack.

Le cas est sensible. La Cour supérieure osera-t-elle acquitter les chrétiens malgré la pression des extrémistes hindous ? Les autorités ont déjà montré leur crainte des extrémistes hindous lorsque le verdict a été rendu au Kandhamal. En effet, un grand déploiement de forces de police était présent pour contenir tout débordement au cas où les sept chrétiens avaient été acquittés, mais le gouvernement a préféré éviter la confrontation et les chrétiens ont été condamnés. On ne peut pas espérer que les extrémistes hindous laissent la Cour supérieure agir librement. La situation est préoccupante : sept chrétiens innocents sont emprisonnés depuis 5 ans. Cela va-t-il bientôt prendre fin ?

Chaya Ram | Adrian Hartmann


Le tribunal « fait injustice »

Dans son verdict de 30 pages, le juge de la Cour du district du Kandhamal, à Phulbani, suit largement l’accusation et déclare les chrétiens coupables de presque tous les chefs d’accusation retenus. Ils sont condamnés à la prison à vie pour meurtre et conspiration au meurtre.

Or les preuves sont maigres – le juge lui-même en est conscient : dans son verdict, il précise que les coupables ont procédé de façon « hautement professionnelle » lors de l’assassinat du dirigeant hindou ; pour cette raison, on ne devait pas s’attendre à trouver « des preuves directes » de leur forfait. Il estime toutefois que les preuves existantes sont « suffisantes et assez incontestables » pour qu’ils soient condamnés. L’une de ces « preuves » est en effet « incontestable » : deux des chrétiens condamnés ont été vus distribuant des sucreries dans une église après le meurtre ! Accessoirement, le tribunal se base sur des déclarations totalement confuses, par exemple sur la déposition d’un enfant qui aurait pu identifier deux des accusés… alors que d’autres témoins affirment que les meurtriers étaient masqués.

Le juge admet même que les tribunaux sont redevables aux citoyens indiens et qu’ils sont tenus de procéder « avec beaucoup de délicatesse », notamment dans des « cas qui affectent la sensibilité populaire ». Pourrait-il dire plus clairement qu’il a cédé à la pression de la rue ?

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