De retour dans sa patrie, elle dit merci !

Ancienne esclave, Amel Dor Manyuol a été brimée, maltraitée et violée pendant des années. Son maître tortionnaire est aussi le père de son fils Kuol, âgé d’un an et demi. De retour dans sa patrie, Amel espère retrouver une partie de sa famille.

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Amel Dor Manyuol est âgée d’un peu plus de 20 ans. Elle est heureuse de retrouver sa patrie, où elle a pourtant vécu une expérience traumatisante lorsque les milices arabes l’ont enlevée dans des circonstances atroces. Des cicatrices sur ses bras et ses jambes témoignent des traitements inhumains que la jeune femme a endurés lorsqu’elle était esclave au Soudan (Nord). Amel Dor Manyuol raconte la vie qu’elle a perdue et retrouvée.

Enlevée en pleine nuit

« Je suis originaire de la région d’Aweil (chef-lieu du Bahr el-Ghazal). Une nuit, des ravisseurs sont arrivés à cheval et ont envahi le village. J’étais une enfant quand ils m’ont enlevée, je les ai vus tirer sur mes frères et sœurs et en tuer plusieurs. Ceux qui le pouvaient ont tenté de fuir pour se réfugier dans les broussailles.

Un homme, Mohammed Abdullah, s’est emparé de moi pour m’emmener au Nord. La milice se déplaçait à cheval, mais nous étions forcés de marcher tout le temps. C’était brutal : bien que nous nous tenions tranquilles, ils ont coupé la tête à l’un des captifs et en ont battu deux à mort. Simplement parce qu’un des ravisseurs disait qu’ils étaient inutiles.

Maltraitée par des enfants

En tant qu’esclave, je devais servir la famille de Mohammed à Karega (Darfour, Soudan). J’étais la seule Dinka dans cette maison, mais il y avait d’autres Dinka (aussi des esclaves) dans les maisons voisines.

Bien que très jeune, on me battait souvent. Les enfants de Mohammed – deux garçons et une fille – étaient cruels avec moi. Je devais travailler dur à la cuisine pour cette famille de cinq personnes. Au début, je devais prendre soin de la fillette, mais en grandissant, elle s’est mise à me mordre le bras et m’a infligé une brûlure. J’ai encore des cicatrices.

Ma cicatrice à la jambe est aussi l’œuvre des enfants de Mohammed. Ils m’ont attaquée avec un couteau. Quand Mohammed a vu la blessure, il a dit en ricanant : ‹ Pas de problème, c’est une jengai (négresse). › Son fils et lui m’ont violée à plusieurs reprises.

Excisée de force

On ne m’a pas non plus épargné l’excision. ‹ Si tu vis chez nous, tu dois être comme nous ! ›, m’ont-ils dit. J’ai voulu me défendre, mais ils m’ont violemment frappée jusqu’à ce que je cesse de leur résister. Avant de m’exciser, ils m’ont rebaptisée Hawa. C’est un vieil homme nommé Abdullah qui a effectué cette mutilation génitale.

« Reviens chez moi »

J’ai donné naissance à un fils, dont Mohammed est le père. Il l’a baptisé Juma’a. Peu après la naissance, un homme est arrivé chez Mohammed et lui a dit qu’il voulait emmener les Dinka. Après de longues négociations, Mohammed a donné son accord. Au moment de m’en aller, il s’est encore approché de moi et a murmuré : ‹ Dès que tu seras arrivée au Sud, enfuis-toi et reviens chez moi ! ›

Mais je savais qu’en aucun cas je ne retournerais chez lui. À peine sortie de la maison de Mohammed, j’ai d’ailleurs donné un nouveau prénom dinka à mon fils, qui s’appelle désormais Kuol. Juma’a était un prénom arabe… et mon maître arabe m’a tant fait souffrir ! 

Accompagnés par notre libérateur, nous avons marché pendant plusieurs jours à travers la brousse pour éviter les routes. Notre libérateur nous disait : ‹ Nous retournons au pays des Dinka. Le Soudan est désormais divisé en deux pays. Je vous emmène chez vous, tandis que les Arabes restent dans leur pays. › C’est un homme bon et si je retrouve des membres de ma famille qui ont survécu, ce sera grâce à lui.

 C’est d’ailleurs mon plus grand espoir : j’aime me souvenir de mes frères et sœurs. Toutefois, je ne sais pas si certains d’entre eux sont encore en vie. Je ne les ai plus jamais vus depuis l’enlèvement. Mais je me souviens de leur nom et de celui de mes parents.

Je ferai tout mon possible pour retrouver mes proches qui sont encore vivants. » Elle a de bonnes chances de réussir, à condition que des membres de la famille d’Amel soient encore en vie. En effet, CSI recueille les noms de tous les rapatriés, puis les communique aux anciens des villages et dans les Églises.

Reto Baliarda

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