Assassinés après avoir été acquitté

Au Pakistan, les ressortissants des minorités religieuses qui ont été accusés de blasphème restent livrés à la fureur meurtrière de fondamentalistes musulmans. Quand bien même les chrétiens seraient acquittés officiellement par les tribunaux, les milieux musulmans radicaux appellent au lynchage en se fondant souvent sur des accusations fantaisistes.

Asia Bibi. (vom)

La chrétienne Asia Bibi pourrait-t-elle jouir de la grâce octroyée par le président pakistanais Asif Ali Zardani ? On peut en douter, car dans ce pays musulman, beaucoup de chrétiens sont victimes du lynchage, malgré leur acquittement par les tribunaux. Lorsqu’il s’agit d’offense au prophète Mahomet, ce ne sont pas les tribunaux pénaux compétents qui ont le dernier mot, mais souvent les prédicateurs fondamentalistes des mosquées qui s’appuient sur la charia pour exciter les extrémistes musulmans contre les chrétiens.

Arrêt de mort pour la « sale chrétienne »

En juin 2009, Asia puise de l’eau au puits du village d’Ittanwali. Des femmes musulmanes protestent : Le puits est devenu « haram », c’est-à-dire « impur », car la « sale chrétienne » l’a touché. Asia se défend et dit que Jésus aurait un point de vue différent de celui de Mahomet sur la question. S’ensuit une année et demie en détention préventive pour cette chrétienne. Lors du procès en novembre 2010, le juge a conclu au blasphème avéré et l’a condamnée à la pendaison. Victimes de menaces, le mari et les enfants d’Asia Bibi ont dû fuir chez des parents, dans une autre région du pays.

Pas de répit pour les « blasphémateurs »  

À la mi-novembre 2010, le pape Benoît XVI s’est engagé pour Asia Bibi. Il a affirmé qu’il suivait « avec grand souci » la situation des chrétiens au Pakistan, souvent victimes de discrimination. Le chef de l’Église catholique a affirmé sa solidarité avec la condamnée et sa famille. On ose douter du fait que l’intervention papale puisse sauver Asia Bibi : même après sa libération, elle ne serait pas en sécurité face aux imams fondamentalistes qui ne seront tranquilles qu’à la mort de la « blasphématrice ».

Cette conjecture s’est malheureusement confirmée à maintes reprises. Ainsi, l’année dernière à Faisalabad, une terrible affaire de justice arbitraire a choqué l’occident. En juillet 2010, les deux chrétiens, Rashid et Sajid Masih Emmanuel, ont été tués à leur sortie du tribunal. Ils étaient accusés d’avoir inscrit des propos hostiles à l’islam sur un morceau de papier, mais le procureur n’avait pas eu de succès et l’acquittement avait été prononcé. Les imams ont alors ameuté la populace par des haut-parleurs en l’excitant contre ces « blasphémateurs ». Rapidement, une foule en furie s’est assemblée devant le tribunal. Lorsque Rashid et Sajid, accompagnés d’un policier, sont apparus sur les marches du bâtiment, plusieurs personnes masquées ont ouvert le feu. Le policier a été blessé et les deux chrétiens tués.

CSI visite les familles des prévenus de « blasphème »

À la fin novembre 2010, les collaborateurs de CSI ont rendu visite aux familles des victimes d’accusations arbitraires de blasphème pour leur offrir des cadeaux de Noël. Ils se sont rendus chez la famille de Rehmat Masih, un chrétien de 85 ans emprisonné depuis six mois. Il a été écroué sur la base des accusations de deux frères musulmans qui ont prétendu avoir entendu le vieil homme dire du mal du prophète Mahomet… dans le seul but d’obtenir une parcelle appartenant à Rehmat.

CSI a aussi visité la famille d’Imran Ghafoor, 25 ans, de Faisalabad, emprisonné pour blasphème. Un matin, ce commerçant a brûlé des déchets et a ensuite quitté son magasin sans se douter de rien. Lorsqu’il est rentré, une foule de gens furieux s’était assemblée devant le bâtiment. À sa vue, ces derniers se sont jeté sur lui pour le rouer de coups et quelques hommes forts l’ont ensuite trainé au poste de police. Là, Imran a appris qu’un voisin musulman, Haji Liaqat, l’avait accusé d’avoir brûlé un morceau de papier avec des versets du Coran au milieu de ses déchets. Cela lui a valu une condamnation à 25 ans de prison, ce qui jette sa famille dans un complet désarroi. Depuis lors, ses cinq frères et sœurs craignent également pour leur vie.

Il est essentiel de rendre visite aux familles des victimes d’accusations arbitraires de blasphème, de compatir et de leur apporter une aide matérielle. À l’avenir, nous tenterons de nous engager encore davantage pour les victimes de condamnations d’ordre religieux au Pakistan. L’année dernière déjà, nous nous sommes présentés chez le ministre des minorités religieuses établi à Islamabad et nous avons exprimé notre grand souci face aux graves infractions des droits de l’homme et à l’insécurité croissante des membres de minorités religieuses au Pakistan.

Gunnar Wiebalck

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