Sur un âne vers la liberté

Diing Lual Kiir est né au Soudan. Sa mère était esclave. Alors qu’il avait 12 ans, son genou gauche a été déchiqueté par une balle de fusil. Depuis ce jour, il se déplace difficilement à l’aide d’une canne.

Lors de notre première rencontre, Diing Lual Kiir nous présente son âne qui l’a ramené au Soudan du Sud. Son seul soutien était alors un long bâton. (csi)

Lors d’une visite au Soudan du Sud en juin 2017, l’équipe CSI suisse a rencontré Diing Lual Kiir. Quelle émotion en voyant ce garçon ouvert de 12 ans… qui ne peut plus bouger sa jambe gauche sur laquelle il peut à peine s’appuyer. Mais, il se prête volontiers à un entretien. En s’appuyant sur son grand bâton, Diing s’approche claudiquant et attend avec curiosité que je lui pose les questions. Malgré son handicap qu’il doit probablement accepter pour le restant de ses jours, il donne une impression éveillée et me raconte de bon gré de la période difficile qu’il a traversée.

Diing est le fils d’une esclave sud-soudanaise déportée au Soudan (Nord). Après quelques années, le petit garçon a été enlevé à sa mère : « Elle a été achetée par un autre maître. Moi, j’ai dû rester. J’aimais tellement ma maman ! Elle me manque encore aujourd’hui ! »

Des punitions inhumaines

Mais le garçonnet n’a pas beaucoup de temps pour être triste. Chaque jour, il doit garder les chèvres de son maître Muhamed Abdallah en faisant attention de n’en perdre aucune ! Malgré toute la peine qu’il se donne, il arrive parfois qu’une chèvre s’égare. Il est alors roué de coups sans merci. En règle générale, l’orphelin est régulièrement maltraité par la famille. Les insultes fusent et il doit se résoudre à être un « jengai » (nègre qui mange des ordures). À manger, il reçoit les restes de repas de la famille. « S’il ne restait rien, c’était bien simple : je n’avais rien à manger », se souvient-il en haussant les épaules.

Un maître sans pitié

Un jour, alors que Diing garde les chèvres, comme à son habitude, un autre esclave épuisé fait une petite pause à côté de lui. Ce dernier effectue un travail agricole harassant et il fait très chaud. Mais son maître ne l’entend pas de cette oreille et lorsqu’il le surprend, Muhamed se dirige directement vers lui et l’abat sans avertissement. L’une des balles traverse son corps et termine sa course dans le genou gauche de Diing… qui ne marchera plus jamais normalement.

Muhamed ne s’occupe pas de la blessure et du handicap de Diing. Il exige que Diing continue à travailler comme si rien ne s’était passé. Ainsi, Diing doit par exemple creuser un long sillon pour l’enclos des vaches et effectuer d’autres travaux physiques presque insurmontables pour un garçon grièvement blessé. Pire que tout, Muhamed fait ressentir à Diing chaque jour qu’il ne le considère plus que comme un estropié inutile.

Six mois après cet acte abominable, il n’hésite donc pas à remettre le garçon au libérateur d’esclave lorsque ce dernier passe et demande sa libération. Avec d’autres esclaves libérés, Diing est ainsi ramené au Soudan du Sud, la patrie de sa mère disparue. Comme il ne peut pas marcher, le libérateur lui achète un âne. « J’étais tellement heureux et reconnaissant de cette solution », raconte Diing en rayonnant. Quelle joie pour lui quand il apprend qu’il peut garder cet âne comme cadeau !

Vivre avec un handicap

Ce garçon courageux est reconnaissant de pouvoir habiter dans son pays qu’il n’avait encore jamais vu. Il ne vit plus au milieu de la violence et de l’oppression. Il trouvera probablement une demeure dans l’un des villages des alentours. « J’espère qu’on pourra m’aider. Je rêve de pouvoir à nouveau marcher, mais je suis déjà content d’avoir un âne », dit-il. Franco Majok reste réaliste : « Ce genou semble gravement atteint, nous ne pourrons probablement pas faire grand-chose. Mais nous ferons tout notre possible pour lui offrir des soins adéquats dans notre clinique de brousse. Peut-être qu’un traitement spécialisé à Nairobi sera possible pour Diing, mais ce n’est pas encore sûr. »

Reto Baliarda

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