Aleut échappe à son maître cruel

Durant près de vingt ans, Aleut Mawien Deng (31 ans) a été une esclave sans droits au Soudan. Depuis que son maître lui a enfoncé un couteau dans la jambe, Aleut est pratiquement paralysée de ce membre. Mais elle n’a pas perdu son sourire. Pour CSI, elle raconte sa vie.

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Je me trouvais à la maison dans mon village au nord de la ville d’Aweil lorsque des combats entre l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) et des milices islamistes arabes se sont déclenchés. Sur le chemin du retour en direction Nord-Soudan, ces milices ont attaqué notre village. J’étais en train de récurer le sol de notre maison lorsque soudainement, des combattants sont apparus. Ils m’ont ordonné de les accompagner. J’étais terrorisée et je n’osais pas leur résister. J’ai tout lâché et je suis partie avec eux.

Au cours de notre long voyage dans le Nord, les Arabes ont capturé d’autres personnes dans les villages voisins. Nous craignions qu’ils nous tuent et nous étions tiraillés par la faim : le peu de sorgho qu’ils nous donnaient nous maintenait tout juste en vie.

Un maître sans pitié

Après notre arrivée au Nord, c’est Mohammed qui m’a prise comme esclave. Il avait quatre épouses et de nombreux enfants. Chaque jour, je devais nettoyer la maison, laver les vêtements et chercher de l’eau sur une longue distance. Mohammed me traitait de façon inhumaine. Il me battait régulièrement et il me forçait de travailler même quand j’étais malade.

Un jour, j’ai pris un peu de retard dans mon nettoyage. Mohammed est entré dans une telle rage qu’il a enfoncé un long couteau dans ma jambe. La blessure était tellement grave qu’aujourd’hui encore, je ne peux presque plus bouger la jambe.

Mais Mohammed s’en moquait. Il a continué à me torturer et il m’a aussi obligée à épouser un vieil Arabe avec lequel j’ai eu quatre enfants.

Le chemin vers la liberté

Je n’aurais jamais pensé qu’un miracle pouvait se produire. Mais un beau jour, en automne 2019, j’étais occupée à chercher de l’eau du puits quand un homme s’est approché de moi et m’a dit qu’il pouvait me ramener au Soudan du Sud. Il m’a encouragée en me disant de ne pas avoir peur, que lui et son compagnon allaient me protéger. J’ai donc accepté. Il m’a ensuite emmenée dans un lieu où se trouvaient d’autres compatriotes libérés.

On nous a bien traités sur le chemin de retour. Notre libérateur nous donnait assez à manger, ce que je n’avais plus vécu depuis de nombreuses années.

Je suis si heureuse et reconnaissante d’être à nouveau dans mon pays… et surtout d’être ici en tant que personne libre. J’espère qu’un jour mes enfants seront à nouveau avec moi. Je prie pour cela.

Propos recueillis par Reto Baliarda

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