Accusés de blasphème, menacés de mort

Plus de mille personnes ont été accusées de blasphème ces dernières années au Pakistan. Les minorités religieuses sont particulièrement concernées. En novembre 2014, Gunnar Wiebalck et Shamoon Masih ont visité les proches des victimes des lois sur le blasphème.

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«Une victoire pour l’islam!», s’est exclamé l’imam Qari Saleem le 16 octobre 2014 au tribunal de Lahore. La cour de deuxième instance venait de confirmer la condamnation à mort de la chrétienne Asia Bibi. Plusieurs imams assistaient à l’audience, exerçant une pression sur les magistrats. Qari Saleem est l’homme qui, voilà cinq ans, avait dénoncé Asia Bibi après qu’une collègue de travail l’avait insultée et entraînée dans une dispute. La jeune maman d’Ittanwali se retrouvait ainsi accusée de blasphème.

Le 1er novembre 2014, nous avons rencontré le mari d’Asia Bibi, Ashiq Masih, dans un lieu tenu secret quelque part au Pakistan. Lors de sa dernière visite à la prison centrale de Multan, sa femme était très abattue, nous a-t-il confié.

«Elle a abandonné tout espoir de retrouver un jour la liberté.» Des chefs d’État et des responsables religieux comme le pape François et le patriarche Cyrille Ier (chef de l’Église orthodoxe russe) ont réclamé sa libération, mais en vain.

Asia Bibi comparaîtra encore devant la Cour suprême du Pakistan. Environ cinq ans pourraient s’écouler jusqu’à ce que celle-ci prenne sa décision. Or, au Pakistan, les procès pour blasphème ne visent guère à faire régner la justice, ils servent plutôt à démontrer la puissance islamique. Il est donc peu probable qu’Asia Bibi soit acquittée en dernière instance.

Cinquante déménagements

Dans un endroit qui doit lui aussi rester secret, nous avons rencontré le médecin chrétien Robin Sardar et son épouse Veena. Avec leurs six enfants, ils ont dû changer de lieu de résidence plus de cinquante fois au cours des dernières années, afin d’échapper à des agitateurs qui manipulent les foules depuis les mosquées. La famille vivait paisiblement, jusqu’au 4 mai 2008, où éclata une dispute avec un marchand de chaussures qui avait installé son stand devant la clinique du Dr Sardar. Ce marchand insinua que le médecin avait comparé la barbe du prophète Mahomet à celle d’un sikh. À l’issue de la prière du vendredi 16 mai, une foule en colère prit d’assaut la maison du Dr Sardar. La famille s’en sortit in extremis.

En danger au Pakistan

Il en va de même pour une autre famille chrétienne qui vit cachée depuis quelques semaines. Nous avons rencontré Eujan, Farhat et leurs deux jeunes enfants le 4 novembre 2013. Depuis un raid de février 2014, ils sont constamment harcelés par des membres d’un groupe qui entretient des liens avec les services secrets; ces oppresseurs font pression sur Eujan pour qu’il ne les dénonce pas. Un membre de la famille qui voulait aider Eujan a même été abattu en juillet par des inconnus.

Après avoir reçu un ultimatum pour se convertir à l’islam, le couple a décidé de disparaître. Début novembre 2014, les harceleurs ont retrouvé la jeune maman; ils ne l’ont relâchée qu’après l’avoir interrogée pendant des heures. Pour survivre, la famille semble n’avoir d’autre solution que de fuir à l’étranger. 

Alors que nous rencontrions Eujan et Farhat quelque part au Pakistan, une foule musulmane animée par la haine religieuse s’est ruée sur un couple chrétien dans le village de Chak 59, près de Lahore. Ils accusaient Shahzad Masih, ouvrier d’une fabrique de briques, et sa femme Shama Bibi d’avoir brûlé des pages du Coran. La foule en colère leur a cassé les jambes avant de les jeter dans le four de la fabrique où ils ont connu une mort atroce. Shama Bibi était enceinte; le couple laisse en outre quatre jeunes enfants. 

Nous avons encore discuté avec d’autres victimes des lois sur le blasphème. Asmat, par exemple, est une maman désespérée: son fils de 24 ans, Makesh, est emprisonné depuis un an. Nasim, quant à elle, n’a plus aucun espoir de revoir son mari Shazad, enfermé depuis dix ans déjà dans la prison de Gujranwala.

Il est possible d’aider

Pour les chrétiens pakistanais, les lois sur le blasphème sont particulièrement dangereuses. De nombreux chrétiens sont découragés, il est donc important de leur témoigner notre solidarité. 

C’est ce que fait CSI à Peshawar, par exemple, où nous avons distribué des denrées alimentaires à de nombreuses familles dans le besoin. Cette ville est un haut lieu des talibans; en septembre 2013, deux attentats-suicides ont fait plus de 120 morts parmi les chrétiens, sans compter les nombreux blessés. Depuis lors, de nombreuses familles ne peuvent plus subvenir à leurs besoins et requièrent en outre des soins médicaux. Dans le prochain bulletin, découvrez comment les survivants s’en sortent aujourd’hui grâce à l’aide de CSI. 

Gunnar Wiebalck, responsable de mission

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