« Nous, les Libanais, sommes malgré tout un peuple joyeux »

La Libanaise Zeina Chahine (43 ans) vit avec sa mère à Beyrouth. En tant que correspondante de CSI au Moyen-Orient, elle se rend régulièrement en Syrie pour rendre compte du travail de CSI sur place. La guerre et la grave crise économique mettent le Liban à rude épreuve.

Malgré toute la misère qui règne dans son pays, Zeina Chahine croit en l’avenir du Liban. csi

CSI : Ressentez-vous personnellement la guerre qui se poursuit au Moyen-Orient ?

Zeina Chahine : Pas directement, je vis dans une région de Beyrouth où le calme règne pour le moment. La guerre fait actuellement rage dans le Sud. Nous ne savons surtout pas si et quand les autres régions seront également impliquées dans la guerre.

Tout au long de votre vie, vous avez été confrontée à la souffrance. De 2017 à 2021, vous avez vécu en Syrie. Avez-vous appris à vivre avec la peur ?

Les guerres m’ont rendue à la fois plus forte et plus anxieuse. J’ai une peur enfantine qui m’accompagne depuis qu’une bombe a explosé à 50 mètres de moi en Syrie, il y a quelques années. Mais ce qui m’inquiète le plus, c’est ma mère veuve. Je me suis donné pour mission de veiller à sa sécurité.

Qu’est-ce qui préoccupe encore les Libanais ?

Depuis plus de dix ans, nous avons environ deux millions de réfugiés syriens. La pression exercée sur eux pour qu’ils quittent le pays est de plus en plus forte, car le Liban ne peut plus supporter le poids économique de leur présence. Les élections présidentielles sont également un sujet de préoccupation.

Quelles sont les relations entre chrétiens et musulmans au Liban ?

Les problèmes du pays ne sont pas une question religieuse, même si beaucoup aimeraient la présenter ainsi. La crise économique persistante est ce qui nous préoccupe le plus, tous. Dans ce contexte, la scolarisation des enfants est la première chose qui angoissent les familles par exemple. Car le coût d’une bonne école, dont beaucoup appartiennent à des congrégations religieuses, est énorme. Les salaires des enseignants des écoles publiques sont très bas, et l’État n’a plus les moyens d’assurer le bon fonctionnement des écoles publiques.

Parlez-nous de la crise économique.

Notre pays est plongé depuis 2019 dans la plus grave crise économique de son histoire. Quelque 80 % des Libanais vivent aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté. Avec la dépréciation de la livre libanaise, un salarié qui gagnait auparavant facilement 1 500 dollars par mois ne touche plus comme salaire de base que 100 ou 150 dollars aujourd’hui. Les salaires des employés de l’État ont chuté encore plus bas que dans le secteur privé. Mais là aussi, le revenu moyen de 200 à 400 dollars ne suffit pas pour vivre, car le loyer mensuel d’un appartement s’élève en moyenne à 400 dollars.

Quelles sont les conséquences de la crise économique dans la vie quotidienne ?

Nous n’avons pas accès aux comptes bancaires et pouvons retirer au maximum 55 dollars par mois. On est constamment en train de calculer pour savoir si quelque chose peut être acheté. Les parents n’emmènent plus leurs enfants au supermarché. Ceci par peur et par honte que les enfants demandent des sucreries qu’ils ne peuvent pas se permettre.

Quel est votre souhait le plus cher pour votre pays ?

Que nous puissions enfin vivre dans la paix et la stabilité. Malgré tout, nous sommes un peuple joyeux doté d’une volonté de fer. Nous sommes un peuple résistant qui est capable de vivre même au cœur de la guerre. Au Liban, il y a en outre une solidarité vécue entre les gens. Cela me donne du courage.

Interview : Reto Baliarda

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